NI CHAÎNES NI MAÎTRES

Un film de Simon Moutaïrou

La fuite comme seul horizon

Île Maurice, 1759. Massamba et sa fille Mati triment sur une plantation de cannes à sucre. Ils n’ont qu’un seul espoir pour accéder à la liberté. Ils doivent trouver un mystérieux village, au plus profond de la jungle, régi par d’anciens esclaves en fuite…

Dans l’argot colonial, un marron est un esclave ayant pris la fuite. Le marronage est sévèrement puni par le tristement célèbre code noir. La première tentative de fuite est punie par le fouet. Celui qui tente de fuir une nouvelle fois se voit couper les oreilles. La troisième tentative est synonyme de mort. Mais ce règlement, qui se veut fortement dissuasif, n’empêche pas les esclaves de multiplier les tentatives dans l’espoir de trouver une vie meilleure. Qu’ils aient été arrachés à leur terre natale ou qu’ils soient venus au monde sur une plantation, tous ressentent leur statut d’esclave comme un affront à leur humanité.

Massamba, protagoniste de ce film, est un esclave éduqué qui sait lire et écrire. Si un blanc lui demande s’il est satisfait de sa condition, il répond que Dieu a voulu les blancs supérieurs aux noirs, citant les arguments utilisés par les théologiens de l’époque pour justifier l’esclavage. Bien évidemment il n’en croit pas un mot. Pragmatiquement il joue le jeu de ses maîtres afin de bénéficier de conditions de vie supportables.

Mais la nuit, dans sa case, il apprend à sa fille, Mati, la lecture et l’écriture dans l’espoir un peu fou d’en faire l’égale de ses maîtres. Il lui raconte aussi la légende de ces marrons qui ont bâti une communauté autonome loin dans la montagne, à l’abri du regard des blancs. Une note d’espoir dans un avenir sans horizon qui poussera Mati à la fuite malgré les risques encourus.

Comme souvent en ces situations le propriétaire fait appel à un chasseur d’esclave. Une chasseuse en l’occurrence, l’implacable madame La Victoire, superbement interprétée par Camille Cottin qui décidément excelle dans les rôles antipathiques. Massamba n’a d’autre choix que de s’enfuir à son tour pour retrouver sa fille avant madame La Victoire. S’engage alors une âpre course poursuite dans la moiteur de la jungle mauricienne.

Simon Moutaïrou, qui a longtemps travaillé sur les projets des autres en tant que scénariste, passe pour la première fois derrière la caméra, en faisant preuve d’un grand talent pour la mise en scène. On espère que cette première ne restera pas un essai isolé et sera rapidement suivie par une autre réalisation.

Benjamin BidoletEnvoyer un message au rédacteur

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