MR BURTON
Un double biopic élégant porté par Toby Jones et Harry Lawtey
Synopsis du film
Le jeune Richard Jenkins, adolescent, habite chez sa sœur et son beau frère, et leurs deux petites filles. Son beau frère, souhaitant qu’il travaille pour subvenir aux besoins du foyer, lui trouve un boulot au rayon vêtements d’un magasin. Mais son professeur de littérature, Mr Burton, ayant décelé chez lui un certain talent, l’intègre dans son cours de théâtre et plaide sa réintégration au lycée. En parallèle, Richard multiplie les petits boulots pour contenter son beau frère. Mais rapidement les tensions à la maison compliquent les choses…
Critique du film MR BURTON
Présenté en compétition au Festival de Dinard 2025, dont il est reparti avec le Prix du public, "Mr Burton", nouveau long métrage de Marc Evans ("Snow Cake"), est une sorte de double biopic : celui d’un professeur généreux, Mr Burton, capable de déceler le talent chez l’un de ses élèves, et celui des débuts de l’acteur Richard Burton (né Richard Jenkins), adolescent désiré nulle part (son père est un alcoolique sans conscience, son beau frère le voit uniquement comme une charge…) mais incontestablement doué pour la comédie. Si le film s’avère assez sage dans sa représentation de l’apprentissage du jeu, jouant le décalage comique (les cours de cris sur la colline, anecdote véridique et ici savamment rythmée…) puis s’enfonçant dans une représentation du jeune premier obstiné peu empathique, alors qu’il réussit une audition, le scénario fait preuve de beaucoup de finesse quand il s’agit d’évoquer le contexte de la guerre et de la pauvreté.
Il amène également la question des rumeurs autour des intentions de Mr Burton, ceci de manière plutôt délicate, entre quelques paroles bienveillantes de la logeuse et quelques interrogations de la copine de Richard, qui le trouve bien peu tactile. Toby Jones, lui, parvient à donner à Mr Burton, ce qu’il faut d’apparence rigide et d'aisance lyrique pour susciter l’empathie, tandis que Harry Lawtey, dans le rôle du futur Richard Burton, incarne la volonté en partie résignée, incapable de réellement accepter une aide qui signifie une croyance en sa personne, caractéristique pourtant liée au désir qu’exige son futur métier. Son travail, notamment sur les différences d'accent et l'élocution de son personnage de gallois, lui aura valu le Prix d'interprétation.
Joliment reconstituée, l‘époque est ici indissociable de personnages façonnés par celle-ci, entre nécessités (l’échange entre Mr Burton et le père est tout simplement glaçant, lorsqu’on lit dans le regard de Richard sa signification…) et contrôle moral. Au final, "Mr Burton" convainc par ses personnages comme par sa mise en scène, évoquant les moments de jeu comme contrastant avec la vie quotidienne de Richard, par l'utilisation par exemple de coloris jaunes pour la première représentation de théâtre (un moment de grâce et d’espoir), et constitue un film de passage à l’âge adulte un peu à part. Une belle réussite qui parvient à approcher avec délicatesse deux thématiques impactant vie privée comme vie publique pour un potentiel acteur, trouvant ici une émouvante résonance : le besoin d'être désiré (par son entourage, une directrice de casting, un réalisateur...) et le fait d'être vendu (au sens propre par ses proches, par un agent, une directrice de casting...).
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

