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MR 73

Un film de Olivier Marchal

Bing-bing

Un tueur en série ensanglante Marseille. Louis Schneider, flic au SRPJ, mène l’enquête malgré l’alcool et les fantômes de son passé. Le passé resurgit aussi pour Justine. 25 ans plus tôt, ses parents ont été sauvagement assassinés par Charles Subra. Schneider l’avait alors arrêté ; mais aujourd’hui, par le jeu des remises de peine, Subra sort de prison. Cette libération anticipée va alors réunir Schneider et Justine, deux êtres qui tentent de survivre au drame de leur vie...

« Dieu est un fils de pute… Et un jour je le tuerai » : par cette profession de foi de Louis Schneider débute « MR73 ». Dans le plus total désespoir : un flic au bout du rouleau, constamment chaussé de lunettes noires comme pour mieux se dissimuler aux yeux des autres, envoyant paître son psy. Cette froideur du premier plan ne quittera plus l’éprouvant long-métrage d’Olivier Marchal, qui décidément, après Paris dans « 36, quai des orfèvres » et ici avec Marseille, persiste à plonger les grandes villes de France dans la torpeur des gueules de bois matinales, et ses personnages dans l’inexorable spirale de la déchéance. Film « choc » sans un poil de « chic », « MR73 » prouve le jusqu’au-boutisme d’un réalisateur, précisément ancien flic lui-même, soucieux de re-présenter la réalité policière sans concessions, c’est-à-dire en emportant derrière lui toutes les casseroles d’une sordide réalité.

A partir d’un fait divers tout ce qu’il y a de plus vrai – une affaire de double meurtre particulièrement malsaine qui lui fit quitter la police, et qui causa plus tard le suicide de son collègue et ami – Olivier Marchal brode une fiction aussi serrée qu’un café court. On y retrouve avec bonheur certaines « gueules » maintenant accoutumées du cinéma de Marchal : Gérald Laroche, Guy Lecluyse, sa femme Catherine, et bien sûr Daniel Auteuil, tout autant imbibé de son personnage que son personnage l’est d’alcool. Cette brochette impressionnante, Marchal la plonge dans l’univers très codifié du polar, sans jamais craindre d’en repêcher les principaux éléments esthétiques et narratifs – photographie saturée, obscurité prégnante, archétypes du policier défait et alcoolique, déambulation hypnotique dans les rues de la ville, course-poursuite sous la pluie avec le tueur présumé – mais en tendant sans cesse vers un genre plus transcendant : la tragédie humaine. Pour que le nœud de l’histoire se défasse, in fine, entre polar classique et drame nihiliste.

Après « Les liens du sang » de Jacques Maillot, voilà donc un nouvel exemple de ce que le cinéma français peut produire de meilleur dans un genre devenu, avec le temps, désuet dans l’Hexagone. Une résurrection ? En quelque sorte, mais une résurrection d’une brutalité et d’une force sans complaisances, à l’image du calibre MR73 qui incarne parfaitement, dans le film, cette puissance de destruction des éléments. « Je tuerai Dieu » affirme, en substance, Louis Schneider ; pas de risques : dans ce post-polar à la française, Dieu est mort depuis longtemps.

Eric NuevoEnvoyer un message au rédacteur

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