MILLI VANILLI, DE LA GLOIRE AU CAUCHEMAR
Ça planait pour eux
Synopsis du film
Rob Pilatus et Fab Morvan étaient deux énormes stars à la fin des années 80, grâce à leur duo Milli Vanilli. Alors qu’ils affolent les charts, un scandale va entacher leur carrière : ils feraient semblant de chanter sur la voix d’autres artistes…

Critique du film MILLI VANILLI, DE LA GLOIRE AU CAUCHEMAR
Décidément, le biopic musical est particulièrement à la mode ces temps-ci. Alors que 2024 a vu Charles Aznavour (''Monsieur Aznavour''), Amy Winehouse (''Back to Black'') et Bob Marley (''Bob Marley: One Love'') reprendre vie au cinéma, Robbie Williams devenir un singe (''Better Man'') et que 2025 s’annonce tout autant chantant, avec les très attendus ''Michael'' et ''Deliver me from Nowhere'' (Jeremy Allen White en Bruce Springsteen, rien que ça), ''Milli Vanilli, de la gloire au cauchemar'' lance la saison. Il est probable que pour les plus jeunes d’entre nous, ce nom n’évoque rien, voire faussement une sucrerie à la vanille qui aurait jadis été populaire. Pourtant, à la fin des années 80, ce duo fera arracher les chemisiers, créera des émeutes à chaque déplacement et régénérera le hit-parade, avec notamment « Girl You Know It’s True ». L’Histoire d’un conte de fées ? Pas vraiment. Comme souvent lorsque les pop stars croisent les drogues et les filles faciles, le dénouement est peu glorieux. Mais ici, dès le commencement, il y avait un grain de sable dans cette parfaite machinerie marketing : Rob Pilatus et Fab Morvan ne chantent pas, ils font seulement semblant sur la voix d’autres artistes…
Énorme scandale qui ébranla toute l’industrie (beaucoup plus que Plastic Bertrand et sa non interprétation de « Ça plane pour moi »), le film s’intéresse avant tout à ses deux protagonistes, à l’engrenage qui les a rendus plus victimes que complices. Car nos deux beaux gosses avaient des rêves plein la tête. Avec leur style iconique, leurs abdos bien saillants et leur visage sans imperfection, le monde ne semblait qu’attendre qu’il s’en empare. Dès leur rencontre dans les rues de Munich, leur amitié est fusionnelle. Ils aiment danser, ils estiment ne pas chanter trop mal. Ils vont tout de suite lancer leur premier groupe Empire Bizarre, dont un single arrivera jusqu’aux oreilles d’un producteur peu scrupuleux. Un contrat plus tard, du type contre-signé de son sang auprès du diable, les voilà devenus Milli Vanilli. Première session d’enregistrement : « On ne chante pas ? ». « Pas tout de suite », « bientôt », « plus tard », « c’est mieux comme ça pour le moment », autant de réponses qui deviendront des rengaines, des promesses sans lendemain. Ils seront l’apparence du subterfuge, ceux qu’on couvre de cadeaux mais dont les songes seront broyés par la réalité d’un star system dont ils ignoraient les méandres.
Sans être transcendant, le biopic réussit parfaitement sa reconstitution de cette époque, la frénésie qui entourait les deux éphèbes, la violence et la cruauté d’un secteur prêt à tout pour amasser les dollars, quitte à sacrifier sur la route les parties prenantes. Les êtres sont des chiffres ; les musiciens, des figures interchangeables. Bien qu’assez classique dans sa forme, malgré quelques tentatives pour briser cette linéarité (rupture du quatrième mur, dialogue factice dans une chambre d’hôtel), le métrage de Simon Verhoeven (non, aucune parenté avec Paul) demeure un pamphlet percutant contre l’instrumentalisation des vedettes, contre cette doctrine qui fait primer l’aspect commercial à la liberté des artistes. Ce refrain, on le connaît déjà. Peut-être même déjà trop, les derniers exercices du genre traitant également de cet aspect-là du show business. Mais cela n’en reste pas moins dramatique et (malheureusement) cinématographique. Évidemment pop et rythmé, le film s’affirme comme une tragédie moderne où la singularité des faits efface la simple efficacité de sa mise en scène et de son scénario. La quintessence du « strass et paillettes » en quelque sorte.
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur