MÉMOIRES D'UN ESCARGOT

Un film de Adam Elliot

Un véritable bijou d’humour et d’émotion

Alors que la vieille dame qui l’avait recueillie et qui lui avait donné le goût de la vie, Pinky, prononce sur son lit de mort un dernier et étrange mot (« les patates »), Grace Pudel, jeune fille qui n’a jamais eu de chance, se met à raconter sa vie à Sylvia, l’une des escargots qu’elle collectionne…

On doit au réalisateur australien Adam Elliot le fameux "Mary et Max", film en stop motion, Cristal du meilleur film au festival d’Annecy en 2009. Un prix que celui-ci a fort justement obtenu à nouveau en juin 2024 pour ce film aussi étrange que beau, émouvant que drôle. "Mémoires d’un Escargot" fait référence à cette jeune fille qui en est l’héroïne, Grace, née avec un bec de lièvre, qui recousu lui vaudra le sobriquet méprisant de « face de lapin » dans les cours d'école et ailleurs. Une fillette accablée par le sort, dont la mère est morte en couche, le père disparu, et qui fut séparée de son frère jumeau protecteur, Gilbert, qui n’hésitait pas à casser les doigts de ceux qui lui faisaient des misères. Construit en flash-back, puisqu’elle raconte sa propre vie, en se confiant à Sylvia, une escargote de sa collection (véritables ou sous formes d’objets divers) qu'elle relâche dans un potager, le film navigue entre humour pince sans rire et émotions, engageant à ne pas se laisser abattre par les affres de la vie, aussi dure soit-elle et aussi différent qu’on soit.

On retrouve ici les personnages en pâte à modeler, aux proportions et aux grands yeux caractéristiques du style de l'auteur. Ses personnages de "Mary et Max", comme son dernier héros (dans le court métrage intitulé "Ernie Biscuit", également passé par Annecy), sont fort ressemblants à cette anti-héroïne, qui revêt ici un bonnet de mailles tricoté en spirale et doté de deux antennes. Le motif de la spirale, comme la coquille de l’escargot, à bien y regarder, est présent à de multiples reprises, ceci dès le générique de début qui s’attarde sur des piles d’objets, comme dans une maison surchargée de souvenirs et d’objets devenus plus importants que les êtres. Et bien entendu le leitmotiv visant à « sortir de sa coquille » pour aller vers les autres et faire partie du monde, sera le maître mot d’un récit aux élans nostalgiques, qui évite nullement les moments d’émotion. Une phrase vous restera probablement d’ailleurs en tête à l’issue de la projection : « les cages les pires sont celles qu’on se fabrique ».

Récit de courage qui invite à brûler la chandelle par les deux bouts au lieu de rester dans son coin, "Mémoires d’un Escargot" est un régal d'humour, à la fois noir, tournant la mort (de divers proches, mais aussi de cochons d’Inde…) ou la maladie en dérision, comme chacun des malheurs qui ont pu frapper l’existence de Grace au fil des ans. Interrogeant également par petites touches les choses du sexe, qui finissent par tarauder son solitaire personnage, le film fourmille de détails croustillants, permettant au spectateur de relativiser un destin des plus sombres (les souvenirs de la vie de Pinky, le gâteau au shit, la passion pour le « beige », le dessin formé par les cicatrices sur les bras de Grace et son frère...). Concoctant au final une œuvre à la fois poétique et bouleversante, qui porte un message doux-mer sur la nécessité de toujours avancer dans la vie, Adam Elliot nous livre dors et déjà un des meilleurs et des plus généreux films de cette nouvelle année.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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