MARMAILLE

Il est rare que le cinéma social à la française, pourtant assez prolifique, s’éloigne de la métropole pour s’intéresser au parcours chaotique de protagonistes d’outremer. Il fallait qu’un enfant du cru pose sa caméra à la Réunion pour qu’enfin un tel film apparaisse sur nos écrans. Grégory Lucilly nous livre ainsi un premier film puissant et immersif. Le fait qu’il ait été tourné principalement en créole y est sans doute pour quelque chose. Mais ce n’est pas la seule raison.

Le destin de Thomas, victime d’abandon, fait écho à une réalité mise en lumière grâce à un remarquable travail documentaire effectué par le jeune cinéaste : un destin tragique renforcé par l’absence d’un père parti fonder une nouvelle famille. Thomas et son père doivent apprendre à se connaître mutuellement. Pour l’un comme pour l’autre ce n’est pas chose aisée. Dans un monde d’incommunicabilité, le dialogue est compliqué et le pardon encore plus. C’est là que la passion de Thomas, le breakdance, prend tout son sens. C’est à la fois un exutoire de ses frustrations d’adolescent sans amour et un moyen d’expression en l’absence d’une personne à qui confier ses émotions. Les séquences de danse, rares mais puissantes, permettent de creuser la psyché d’un protagoniste qui peine à s’exprimer autrement.

Dans le rôle clé, le jeune Maxime Calicharane est tout simplement épatant, à l’image du reste du casting, essentiellement composé d’acteurs non professionnels. La Réunion aussi est un personnage à part entière. Loin de l’île paradisiaque pour touriste, autant que des HLM en ruine, entre ces deux clichés Grégory Lucilly trouve un espace pour mettre en valeur la beauté des paysages et la lumière exceptionnelle de son île.