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LOVELACE

Biopic à tiroirs

Alors qu’elle assiste à un concert, une jeune femme est repérée par un patron de bar dit « sexy ». Rejetée par sa mère lorsqu’elle présente celui-ci comme son futur mari, elle s’installe avec lui et l’épouse. Rapidement, repérant sa capacité hors-normes à effectuer des « pipes », il la fait rencontrer des producteurs de porno, et la pousse en douceur à tourner un film qui deviendra une référence : "Gorge Profonde"...

Le second film de fiction de Rob Epstein et Jeffrey Friedman, après "Howl" avec James Franco, est un biopic mettant en scène une figure légendaire du porno : Linda Lovelace, actrice du fameux "Gorge profonde" ("Deep Throat"). Réalisé en seulement 6 jours, ce film rapporta plus de 6 millions de dollars lors de son année d’exploitation, en 1972, dans les circuits de salles conventionnels. Un événement qui fit de cette femme une célébrité, dont le grand public connaît plus les « exploits » que la vie, retracée ici par les auteurs de "The Times of Harvey Milk" (par le seul Rop Epstein), et surtout "The Celluloid Closet", documentaires traitant tous deux de l’homosexualité.

Débauchée à l'âge de 21 ans par celui qui deviendra son compagnon, manager et quasiment maquereau, Linda apparaît dans la première partie du film comme belle et naïve, semblant se laisser porter par un amour sans faille, comme si elle était prête à toutes les découvertes, et si aucune limite morale ne la touchait. Entraînée par ce mari aux mœurs légères, elle semble comme un poisson dans l’eau dans cette relation décrite dans un premier temps de manière plutôt flatteuse, telle une tendre idylle qui demande des sacrifices, notamment pour renflouer les caisses du ménage (ceci en acceptant un « rôle » au cinéma).

Adoptant clairement un ton de comédie légèrement osée, le scénario se concentre dans sa première partie sur les légères incongruités des situations rencontrées, sur la personnalité insouciante de Linda, et la misogynie ringarde qui règne dans le monde du porno. La gêne est par moment au rendez-vous, l’amateurisme apparent aussi, tout comme les plaisanteries graveleuses, devant, mais aussi derrière la caméra. Lorsque l’on parle du désir du spectateur d’avoir un script avant une mise en scène, une actrice s’étonne qu’elle « n’a jamais eu de lignes à dire avant ». Alors qu’ils discutent ensemble, producteurs et agents plaisantent sur le fait qu’ « allumer une cigarette devant des seins refaits » serait comme reproduire la catastrophe du Zeppelin...

Puis le film bascule soudainement, à l’aide d’un changement de temporalité, une remontée dans le temps, qui permet une relecture par bribes d’événements bien plus dramatiques en réalité qu’en apparence. Décrivant l’avidité, le déraillement lié au star system (elle aura droit à tout, des produits dérivés à l’autobiographie, en passant par la poupée gonflable à son effigie...), le film dépeint la détresse d’une femme que personne ne semble pouvoir aider, et que le monde entier a définitivement catalogué, alors que sa carrière se résume à quelques 17 jours de porno. Pointant la responsabilité de parents trop à cheval sur les règles, et d'une société où les femmes étaient élevées dans une logique d'obéissance totale au mari, "Lovelace" s’avère un film résolument engagé, tout autant qu’une comédie dramatique enlevée. Les interprètes, de Amanda Seyfried ("Mamma Mia!", "Le Chaperon rouge", "Time Out") en ingénue renfermée, à la sublime Sharon Stone en mère autoritaire, en passant par Peter Sarsgaard, bluffant de nervosité dissimulée et de charisme, nous emportent au final sans difficulté jusque vers la conclusion de cette vie à part, vouée au final à aider les autres.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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