LIMOVOV, LA BALLADE
Une esthétique folie furieuse
Portrait de la vie sulfureuse et romancée d’Edouard Limonov, poète Russe, looser aux États-Unis, grand écrivain en France et chef d’un parti d’opposition à Moscou…
C'est un biopic, ou presque ; l'adaptation cinématographique d'une histoire romancée sur la vie d'Edouard Limonov, un homme qui ressemble à un personnage de fiction tour à tour poète maudit en Russie, sans abris puis majordome de luxe à New York, écrivain à la mode à Paris et enfin chef d'un parti politique inquiétant à Moscou... De quoi éveiller les envies littéraires d'Emmanuel Carrère qui lui consacra un roman en 2011 puis celles cinématographiques de Kirill Serebrennikov ("Le Disciple", "Leto") qui adapte ici le livre en question dans "Limonov, la ballade" découvert en sélection officielle au Festival de Cannes 2024.
On connaît Serebrennikov pour ses mises en scènes aux décors fous, tourbillonnants comme des scènes de théâtre, brouillant les pistes entre fiction et réalité ("La fièvre de Petrov" sorti en 2021 pour exemple). Qui de mieux alors pour mettre en scène un homme au bord de la folie ? Suivant à la trace les différentes étapes de la vie de cet insaisissable punk à l’ego surdimensionné, le film semble célébrer ce personnage sans limites, opportuniste et violent. En enlevant le personnage du témoin admiratif mais inquiet qu'incarnait Emmanuel Carrère dans son livre, le cinéaste laisse du coup en suspend la question de ses intentions et de son propre point de vue sur cet homme trouble.
On s'étonne également du choix d'un casting anglais pour incarner ces dignes héritiers des personnages de Dostoïevski, Limonov étant ici incarné par Ben Whishaw (Q dans les derniers James Bond) forcé d'imiter un accent russe du début à la fin du film. Malgré ces questionnements, la maîtrise du cinéaste agit cependant toujours et nous entraîne dans une esthétique folie furieuse.
Amande DionneEnvoyer un message au rédacteur