LIBERTATE
Le bassin de la violence
Synopsis du film
Durant la révolution roumaine, la ville de Sibiu devient le lieu de nombreux affrontements. Les fidèles à Ceausescu sont arrêtés et rassemblés dans une vieille piscine abandonnée. Le début d’un chaos total…

Critique du film LIBERTATE
Lorsqu’on pense à des réalisateurs roumains, on a souvent en tête les noms de Christian Mungiu (régulier de la Croisette et Palme d’or pour ''4 mois, 3 semaines, 2 jours''), Cristi Puiu (précurseur de la Nouvelle vague roumaine et dont le récent ''Malmkrog'' avait marqué la Berlinale 2020), Radu Jude (également un habitué du Festival de Berlin, avec plusieurs prix pour ''Bad Luck Banging or Loony Porn'' et ''Aferim!''), ou encore Corneliu Porumboiu (''Le Trésor'', ''Les Siffleurs''). Pourtant, Tudor Giurgiu n’est pas un néophyte bien que son œuvre soit grandement passée à côté de l’Hexagone, signant ici son sixième long métrage, dont deux furent sélectionnés par la Berlinale (décidemment !), ''Why Me?'' et ''Love Sick''.
Il s’intéresse une nouvelle fois à l’histoire tumultueuse de son pays, en se focalisant sur un épisode particulier de décembre 1989, lorsque des policiers et miliciens fidèles à Ceausescu sont arrêtés et détenus dans une piscine abandonnée de Sibiu, aboutissant à un désordre total pendant plusieurs semaines, au point de ne plus distinguer qui est qui. S’inspirant de faits réels, le film se veut une plongée dans le chaos de l’époque, optant pour un esthétisme et des couleurs qui rappellent les images documentaires.
De ce mois de fin d’année 89 qui marque la chute du régime communiste, le métrage en capture surtout une psychose, un effroi constant, où le danger peut venir de n’importe qui, n’importe quand. D’ailleurs, les uns prennent les uniformes des autres, les civils s’habillent en militaires et inversement. Dans ce bassin vide, il est bien compliqué de comprendre les alliances et les positions, tant celles-ci sont mouvantes et les doubles jeux pléthoriques. Les exécutions sont sommaires, les bruits de balles constants, les cris de douleur omniprésents. À l’image de la confusion qui règne dans les rangs des révolutionnaires, le film se veut bordélique, toujours sur le qui-vive, infligeant aux spectateurs un vacarme sonore éreintant.
Œuvre chorale, ce thriller intense compense ses manques de moyens apparents par une velléité forte de se concentrer sur les protagonistes. Si le résultat demeure haletant et passionnant dans sa manière de retranscrire comment les persécutés d’hier peuvent reprendre les méthodes de leurs bourreaux le lendemain, il interroge sur le parti-pris du réalisateur, semblant parfois cautionner quelques pratiques de l’armée. Pas toujours lisible dans son message, ''Libertate'' reste une leçon d’histoire importante, en particulier au vu de l’actualité internationale et de la situation politique actuelle de la Roumanie.
Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur