LES MUSICIENS
Apprendre des autres et de soi-même
Afin de réaliser le rêve de son père défunt, Astrid s’est efforcée de rassembler quatre instruments et musiciens d’exception pour former un quatuor à cordes qui jouera l’œuvre d’un illustre inconnu, Charlie Beaumont. Hélas les musiciens ont du mal à s‘entendre sur la manière d’interpréter le morceau. Astrid se voit contrainte de faire appel à Charlie Beaumont, qui n’a pas la moindre envie de se replonger dans cette œuvre de jeunesse…

Après avoir titillé notre odorat avec le très joli "Les Parfums", Grégory Magne s’emploie à flatter notre ouïe à travers sa nouvelle réalisation : "Les Musiciens". Une mission accomplie avec brio tant le travail sur les sons est remarquable. Une fois n’est pas coutume, permettons-nous de citer le nom de Grégoire Hetzel qui a composé la magnifique partition pour quatuor à cordes qui sert de support à l’intrigue, ainsi que les noms de l’équipe son du film, composée de Nicolas Cantin, Daniel Sobrino, Fanny Martin et Olivier Goinard. La perfection des effets sonores constitue le principal argument pour se déplacer en salle voir "Les Musiciens" où le public pourra apprécier au mieux le son d’un stradivarius (qui n’en est pas réellement un, trop cher pour le cinéma français) ou l’acoustique d’une chapelle.
Mais ne négligeons pas l’histoire qui sert de support à la musique. Sans elle, "Les Musiciens" serait resté à l’état de simple exercice de style. À travers l’histoire de ce quatuor virtuose, mais dans lequel l’intérêt personnel domine, Grégory Magne aborde avec réussite le thème du vivre ensemble. Comme le dit le compositeur Charlie Beaumont, incarné par un Frédéric Pierrot au sommet de son art, un quatuor n’est pas un club de foot dans laquelle on prend les joueurs les plus chers dans l’espoir d’en faire une équipe. Certains quatuors jouent ensemble pendant des années avant d’atteindre une harmonie parfaite. Et entre le jeune prodige condescendant, la starlette des réseaux sociaux et l’ancien couple irréconciliable, le moins que l’on puisse dire c’est que l’harmonie n’est pas au rendez-vous.
Pour que tout ce petit monde arrive à se mettre au diapason, chacun devra apprendre quelque chose sur lui-même et sur les autres. Étant donné le sujet, il n’est pas surprenant que "Les Musiciens" prenne rapidement des allures de film choral. Une forme de narration complexe que Grégory Magne parvient à maîtriser avec brio. En la matière il est difficile de dire si la collaboration de l’humoriste Haroun au scénario a été déterminante. Connaissant son parcours on l’imagine plutôt être derrière certaines saillies sarcastiques ou une des comparaisons lunaires dont le personnage de Frédéric Pierrot est coutumier. Comme lorsqu’il parle du fait qu’il ne sait plus comment interpréter la sonate qu’il a écrite il y’a trente ans : « Imaginez que vous allez au parc avec bébé et au bout d’un moment vous savez plus lequel est le vôtre. Vous repartez avec quel bébé ? Vous en prenez un au hasard ? ».
Fort de ses nombreuses qualités, "Les musiciens" pourrait bien prendre la suite de "L’Attachement", le succès français inattendu de ce début d’année. En tout cas c’est tout ce qu’il mérite.
Benjamin BidoletEnvoyer un message au rédacteur