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LES INFILTRÉS

Un film de Martin Scorsese

Coup de poing scorsesien

À Boston, une lutte sans merci oppose la police à la pègre irlandaise. Pour mettre fin au règne du parrain Frank Costello, la police infiltre son gang avec « un bleu » issu des bas quartiers, Billy Costigan. Dans le même temps, Colin Sullivan entre dans la police au sein de l’Unité des Enquêtes Spéciales, chargée d’éliminer Costello. Mais Colin fonctionne en « sous-marin » et informe Costello des opérations qui se trament contre lui. Risquant à tout moment d’être démasqués, Billy et Colin sont contraints de mener une double vie qui leur fait perdre leurs repères et leur identité…

« The Departed » (« les défunts ») est le remake de l’excellent polar hong-kongais « Infernal Affairs ». Autant l’annoncer d’emblée, le remake écrabouille l’original en cinq minutes chrono, la comparaison devenant totalement accessoire tandis que les minutes du film s’égrènent. L’exposition démentielle (20 minutes à couper le souffle !!!) est en soi un tour de force qui impose un double constat : le scripte original est respecté dans les grandes largeurs, mais surtout la mise en scène et le montage en exacerbent furieusement la tension et les enjeux.

Les Infiltrés s’inscrit dans la grande tradition du film de gangster plus grand que nature, où les luttes de pouvoir contaminent tout, relèvent de l’obsessionnel, et où les personnages évoluent toujours sur le fil du rasoir. Les deux infiltrés en sont une puissante incarnation : l’un veut s’affirmer comme flic pour en finir avec un héritage familial qui le hante, l’autre agit par vanité reproduisant ce que Costello (flamboyant Nicholson) lui a enseigné. Tous deux portent le poids d’un héritage et d’une violence trans-générationnelle. Le film perpétue un cycle de violence qui a commencé avant le générique et continuera après.

Dès lors, tous fonctionnent par conviction ou par foi. Selon Costello, rien ne se gagne mais tout se perd. Pour les flics, il s’agit d’éradiquer celui qui pour eux représente le mal. Scorsese, en filmant Costello tour à tour saturé de couleurs ou plongé dans l’obscurité, achève d’en faire un diable des bas-fonds. Cette figure paternaliste et vénéneuse plane sur les têtes des deux infiltrés, DiCaprio tendu comme jamais, à fleur de peau, et Damon débonnaire et hautain. Leur jeu du chat et de la souris est prétexte à nombre de séquences virtuoses, que la vivacité esthétique de Scorsese et n’a de cesse de sublimer.

On peut ajouter à cela une BO tonitruante, des seconds rôles hargneux (Mark Wahlberg en très très grande forme !). On peut surtout y ajouter les dialogues absolument insensés de William Monahan. Faisant ombrage à ceux d’un Tarantino, ils donnent lieu à des joutes verbales jubilatoires, que la flamboyance des acteurs, l’inventivité des cadrages et la célérité des mouvements de caméra élèvent à un niveau insoupçonné. Non content de signer là son meilleur film depuis « Les Affranchis », Scorsese réalise aussi l’un de ses meilleurs films tout court , un sommet d’humour très noir et de violence sèche. Grosse claque, grand moment, putain de film !

Thomas BourgeoisEnvoyer un message au rédacteur

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