LES FLEURS DU SILENCE
Une thérapie de conversion barbare et méconnue
Angleterre, dans les années 1920. Owen est interné dans un hôpital psychiatrique et doit soigner ses pulsions homosexuelles en rencontrant régulièrement Dorothy, infirmière censée éveiller chez lui un intérêt physique ou romantique. Celle-ci le questionnant sur le roman qu’il est en train d’écrire, Owen lui raconte alors sa liaison avec un ami de longue date…

Le film de Will Seefried, "Les Fleurs du Silence", aborde, au travers du portrait d’un écrivain homosexuel, le type de traitement barbare que pouvaient subir, voire s’infliger eux-mêmes, les personnes considérées comme sexuellement malades entre 1910 et 1920. Racontée par flash-back, à partir de jours passés en hôpital psychiatrique, entre moments solitaires en cellule, à attendre ou écrire, piqûres synonymes de souffrances administrées par un personnel particulièrement dédaigneux, et entretiens avec une infirmière venue là pour l’aider à redevenir hétérosexuel, l’histoire d’Owen met en évidence une opération particulière, expérimentée par son amant lui-même, faisant partie du corps médical, consistant en une greffe de testicule venant d’un porteur supposé sain : entendre par là un homme hétéro. Sans jamais verser dans le sanguinolent ou le body horror, le film tâche de naviguer dans un mélange de romance naissante, les deux amant se laissant aller à leurs instincts amoureux dans des décors bucoliques, et de thriller ouaté, l’enjeu étant tout de même la délivrance ou non du patient de son statut de prisonnier médical.
Pourtant derrière ce qui reste de l’ordre de l’imagerie d’un possible bonheur, pour ceux qui l’auraient choisis (intervient au milieu de l’histoire un jeune homme marié qui souhaite en apparence vivre ce qu’il est...), finement travaillée au niveau de la lumière et des coloris, "Les Fleurs du Silence" décrit la rudesse du traitement infligé aux homosexuels et surtout leur déconsidération (la scène filmée dans le couloir, au raz du sol, alors qu’un patient rachitique s’effondre dans les escaliers est particulièrement marquante). Usant régulièrement de mises en parallèle (la danse avec le jeune et avec l’infirmière, le plaquage au sol lors d’une arrestation et par l'infirmier dans la cellule), Will Seefried assume l'élégance de sa mise en scène face à un sujet si difficile. Interprété avec justesse par un casting à la jeunesse symbole de générations sacrifiées, prêtes aux pires mutilations pour devenir « normales », le film choisit, par son final, une tonalité positive, sorte d’échappée inattendue que seule la puissance d’un cerveau peut imaginer face à un traitement inhumain.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur