LES CONTES DE KOKKOLA

Un film de Juho Kuosmanen

Trois histoires, du désenchantement à l’espoir

Dans la petite ville finlandaise de Kokkola, non loin du cercle polaire, un vieil homme voit les autorités l’informer que sa maison, trop vieille, va être abattue, et part avec quelques affaires et sa chienne pour la Suède, un tandem croit pouvoir gagner un maximum d’argent avec l’alambique hérité de leur père, et une gardienne de phare rêve de partir dans les étoiles…

"Les Contes de Kokkola", signés Juho Kuosmanen, réalisateur de "Compartiment N°6" (Grand Prix à Cannes en 2021), regroupe un ensemble de 3 courts métrages réalisés à la manière de films muets d’autrefois (noir et blanc, pellicule, cartons pour les quelques dialogues) dénué cependant des fioritures (pellicule faussement vieillie, effets spéciaux…) des films du célèbre Guy Maddin ("The Saddest Music in The World", "Des trous dans la tête"). Voici donc trois histoire étranges et désabusées, où il est question de manque d’argent ou de deuil, mais aussi de débrouillardise, le tout teinté d’un très léger humour nordique, forcément dominé par le visuel (voir par exemple les éléments sur les têtes qui s’envolent soudainement dans le dernier film, ou le rôle global de l’alcool, comme solution face à une dure réalité…).

Le recueil s’ouvre avec le portrait d’un vieil homme ("Mattila le vagabond et la jolie femme", 2012), acceptant sans rechigner que sa maison soit détruite, la mairie lui offrant une ridicule compensation (quelques pièces de la main à la main), et qui part avec sa charette contenant quelques objets à vendre et sa chienne, mais ne parvient pas à refourguer ceux-ci. Le vent tournera peut-être avec son entrée dans un bar où se produit une jolie chanteuse. Un petit film tout en poésie. S’ensuit "Bouilleurs de cru clandestins" (2017), histoire d’un frère et une sœur qui découvrent lors de l’enterrement de leur père (étrangement dans une arrière cour des plus glauques…) le leg de leur père : un alambique et un cochon. L’occasion de devenir contrebandiers d'alcool et de jouer leurs gains au jeu, comme s’il y’avait toujours plus arnaqueur que soi.

Enfin, "Une planète fort lointaine" (2023) est l’histoire d’une gardienne de phare et son frère, qui se désespère de voir tout mourir autour d’elle. Plus intéressante et visuellement réussie que les deux précédents (une belle vue nocturne du phare, teintée de mystère), il faut faire attention aux moindres détails du décor pour saisir la subtilité. La femme enterre ainsi son chien en disposant une planche verticale, et l’on découvre alentour un tas d’autres planches dans ce lieu pourtant isolé. Cela explique sans doute la phrase absurde qui prononce alors son frère : « Seul celui qui meurt est épargné par la mort ». Joliment pessimiste, le film s’ouvre sur quelques constellations et se termine sur un trip, partiellement en animation, la femme se muant au préalable en une sorte de savant fou (décors très Frankenstein à l’appui…). La musique, elle, se met, comme dans les deux premiers films (ponctués de quelques bruitages), au diapason de ses aventures réelles ou imaginées, grâce une nouvelle fois au rôle de l’alcool (voir la longueur de 3 mètres de la facture d’électricité, ou le voyage de retour…).

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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