LEILA ET LES LOUPS

Un film de Heiny Srour

L’Histoire en miroir

A Londres, Leila est une jeune libanaise qui prépare l’exposition photo de son petit ami Rafic, sur l’histoire de la colonisation palestinienne et libanaise. Rafic présente une version de l’histoire dont les femmes sont occultées. Leila l’entraîne, et nous avec, dans 80 ans d’Histoire et de guerres pour nous prouver que les femmes étaient là, à chaque étape, et que les conflits ont tantôt fait avancer ou reculer leurs droits dans un éternel recommencement…

Le métrage commence avec l’héroïne du film, Leila, qui se voit en miroir de sa grand-mère à la mémoire défaillante, qui reste attachée comme une ancre à l’idéal de la femme épouse et mère. Elle se demande si elle peut échapper à cette vision. Cette vision d’épouse et de mère sera transposée tout au long du film, qui nous emmène dans l’espace et le temps à différents moments clés des conflits qui ont lardé le Liban et la Palestine depuis l’arrivée des « loups blonds » (comprendre les colons britanniques). Les femmes sont bien présentes à chaque moment des conflits : que ce soit pour aider les hommes partis au maquis à se fournir en armes en vendant leurs bijoux et leurs biens, ou en creusant à la recherche de caches d’armes laissées lors des précédents conflits pour trouver des munitions qu’elles devront retailler à la main pour que celles-ci rentrent dans les fusils, ou encore pour partir à l’entraînement militaire et se battre aux côtés des hommes.

Cependant, leur statut de femme leur est sans cesse jeté à la figure : par leurs mères et leurs tantes qui s’inquiètent que leur comportement trop guerrier ne les empêche de trouver un mari, par les hommes qui les méprisent jusque dans les affrontements pourtant menés côte à côte, par leurs égales qui voient dans cette émancipation un risque pour elles-mêmes. Le film mélange habilement les images d’archives quand elles existent, et les images de fiction avec Leila en robe blanche qui se promène à travers le temps et les territoires pour nous montrer l’invisible en marge des explosions et des combats. L’émancipation des femmes, d’abord favorisée par certains conflits lorsqu’elles deviennent des égales à même de se battre, leur est ensuite retirée dans une éternelle valse symbolisée entre cheveux dévoilés, foulards et niqab.

La réalisatrice Heiny Srour a mis 7 ans à imaginer son film avant de le réaliser en 1984, avec l’ambition de redonner aux femmes une place dans l’Histoire. Le film demeure moderne, entre sa mise en scène presque documentaire et son usage des images d’archives qui se confondent parfois avec la fiction. Sa sortie en inédit aujourd’hui, ne peut que faire écho au conflit en cours en Palestine et aux frontières du Liban. Leila ne pouvait pas nous faire voyager dans le futur, mais en nous emmenant dans le passé, elle nous a déjà presque tout dit.

Océane CachatEnvoyer un message au rédacteur

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