LE VILLAGE AUX PORTES DU PARADIS
Tendresse en terres arides
Somalie. Dans un petit village, Mamargade, homme seul, élève son fils Cigaal, en tâchant de s’assurer de son éducation. Sa sœur, Araweelo, accusée d’être incapable d’avoir des enfants, se retrouve condamnée au divorce, et revient vivre avec eux dans leur maison de fortune, pas vraiment finie, aux murs vert d’eau et aux volets bleus. Mais bientôt, la directrice annonce la fermeture prochaine de l’école du village…

Passé par la section Un Certain Regard du Festival de Cannes 2024, "Le Village aux Portes du Paradis" est un film somalien, à la photographie somptueuse, qui rend hommage au courage de deux célibataires, un père qui passe de boulot en boulot, espérant une vie meilleure pour son fils, et la sœur de celui-ci, reniée par son mari, qui obtient au début du film le divorce celle-ci ne pouvant lui donner d'enfant. Le père est ainsi fossoyeur à ses heures, devant se battre pour être payé, transporteur de marchandises sur barque, berger, chauffeur de pelleteuse...Vivant dans la précarité, il est d’autant plus soucieux de pouvoir subvenir aux besoins de cette famille qui se reconstitue, tout en pouvant assurer l'éducation de son fils, synonyme de possible progrès social. La tante, elle, souhaite ouvrir un petit local de couturière, pour gagner son indépendance financière. En introduisant d'un côté la fermeture de l'école du village, avec pour seule alternative un internat en ville (synonyme de dépenses supplémentaires pour le père), et le refus d'un prêt pour la tante, du fait du divorce (synonyme d’arrangements avec la loi), le scénario trouve ainsi deux ressorts propres à faire éclater la petite cellule familiale, avec le départ du fils à l'internat, le potentiel remariage de la tante et la nécessité pour le père d'aller travailler parfois loin de la maison.
Installant une belle complicité entre père et fils, Mo Harawe égraine aussi les indices sur l'état de guerre du pays (enterrement le long d'une route, bruits d'avions de chasse, récit douloureux du destin des grands parents...) et affirme peu à peu la thématique principale du métrage : l'espoir, ou la croyance en un avenir plus radieux. Car ici les gens meurent jeunes et les perspectives d'avenir sont bien incertaines. Et l'évolution du personnage du fils, formidablement incarné dans son expression de tendresse comme dans l’incarnation d'une résignation qui arrive vite, vient à l'appui de ce discours de fond. Pourtant "Le Village aux Portes du Paradis", malgré l'alignement d'injustices, s'affirme comme une œuvre positive, aux plans magnifiques (le fils allongé contre son père, la tombe creusée dans le désert alors qu'une veuve attend sous un arbre...), où chacun fait de son mieux malgré tout, la chance pouvant finalement tourner à tout moment, parfois quand on sait la provoquer. Un cruel et beau conte venu d’Afrique, dans lequel la cellule familiale s'avère résiliente, évoluant au fil des obstacles, pour mieux protéger celui qui un jour deviendra grand et aura peut-être un destin plus favorable.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur