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LE ROYAUME

Un film de Julien Colonna

Il était une fois dans le maquis

Alors qu’elle vit l’un de ses premiers étés adolescents, Lesia est envoyée chez son père. Sauf que lui est chef de clan d’une mafia locale. En plein milieu du tumulte, durant ces quelques semaines estivales, ils vont apprendre à se connaître…

Avec ce titre et la beauté des lieux, on aurait pu penser que ''Le Royaume'' soit une douce histoire, un beau conte de fées comme le cinéma aime tant les immortaliser. Mais dans ce premier long métrage de Julien Colonna, les rêves naïfs n’ont pas leur place, l’auteur transformant son œuvre en un thriller haletant où les silences font plus peur que les détonations. En Corse, Lesia profite enfin d’un été adolescent, où les tourments amoureux sont bercés par le bruit des vagues. Un jour, un homme en moto surgit dans son quotidien, et l’emmène vivre chez son père dans une villa isolée. Là-bas, elle trouve avant tout une troupe, un clan uni par des liens plus forts que le sang, une relation qu’elle ne connaît pas avec son propre parent. Une guerre agite le milieu. Plus personne n’est en sécurité. Au milieu du chaos, les deux êtres vont apprendre à s’appréhender, communiquer pour enfin, peut-être, s’aimer comme si de rien n’était.

Rugueux et bouleversant, le film s’éloigne des clichés et des traditionnels films de gangsters. À hauteur d’enfant, l’intrigue n’a pas la sacralisation habituelle de ces criminels, le romantisme suranné d’une vie de péchés. Non, ici, ce sont avant tout des individus traqués, terrifiés à l’idée que chaque trajet pourrait être le dernier, obligés de regarder en permanence par-dessus leur épaule. Peu importe les raisons qui les ont emmenés sur cette voie, ils le savent, la sortie a régulièrement lieu les pieds devant. Pierre-Paul n’est pas un héros pour ce qu’il fait, mais pour ce qu’il est, ce qu’il représente dans les yeux de cette gamine ayant grandi loin d’une figure qu’elle aimerait tant plus côtoyer. Si ce drame adopte le point de vue de la jeune fille, c’est bien le patriarche qui lui vole la vedette, Saveriu Santucci livrant une prestation d’une aura et d’un charisme rares, transformant la fiction en un témoignage naturaliste déchirant.

Poignant et puissant, le métrage impressionne par son refus du sensationnalisme, transformant chaque geste anodin en un moment de tension, les instants d’apparence anecdotiques en de grandes scènes de cinéma, en témoignent la séquence de pêche ou l’épisode du camping. Par une maîtrise aussi bien formelle que scénaristique – scénario co-écrit avec Jeanne Herry ("Pupille", ''Je verrai toujours vos visages") – "Le Royaume" est un récit qui claque, dont l’auteur Jérôme Ferrari n’en rejetterait pas l’authenticité. Brutal par les mots plus que par les coups, ce film passé par le Festival de Cannes est une des excellentes surprises de cette fin d’année, une œuvre parfaitement dosée, où la mort guette les protagonistes dans une ambiance parfois anxiogène, souvent saisissante et tragique. Julien Colonna ne signe certainement pas une carte postale pour l’île de beauté, mais sa carte de visite de réalisateur vient de décrocher une très belle première ligne.

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

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