LE RÉPONDEUR
Se mêler ou non de la vie des autres
Pierre, écrivain de renom, prix Goncourt, ne rêve que d’une chose : avoir du calme et cesser d’être sollicité, afin de pouvoir écrire son nouveau livre. Ayant remarqué un jeune comédien de stand up, Baptiste, doué en imitations, il propose à celui-ci de prendre sa voix et de répondre à sa place aux nombreux messages et coups de fils qu’il reçoit chaque jour. Baptiste, un peu réticent, finit par accepter ce job de “répondeur”. Pierre lui fournit alors pour cela une fiche par personne de son entourage, sorte de bible qui va lui permettre de répondre en toute connaissance de cause. Mais Baptiste ne peut s’empêcher d’improviser, en tenant compte de ce que Pierre lui dit lors de leurs dîners de débriefing, mais commence à interférer avec la vie de celui-ci et de sa fille…

À partir de ce pitch assez génial, Fabienne Godet (qu’on connaît notamment pour "Sauf le respect que je vous dois" et "Une place sur la terre") réussit une comédie teintée d’émotion, où c’est l’humain qui reprend sa place au sein d’une carrière étouffée par la notoriété (celle de Pierre) et de différents destins qui étaient justement contrariés (la fille de Pierre, Elsa, journaliste qui a délaissé son don pour la peinture, Clara, l’amie perdue dont Pierre n’avait pas saisi les élans amoureux, et même Baptiste lui-même, surpris par ses propres interactions avec certaines personnes...). Ce qui aurait pu être un simple jeu de massacre, le personnage du répondeur se permettant quelques libertés avec des personnes envahissantes (le traducteur, l’agent...), ou distantes (le père râleur et blasé, la fille qui nage dans ses contradictions, une ex harceleuse, le journaliste insistant, le patron de théâtre...), se mue peu à peu en récit émouvant où chaque action ou presque affiche une bonne intention, et les conséquences redonnent vie à divers personnages enlisés dans leurs certitudes ou leurs routines.
Sorte d’ange gardien un peu maladroit, Salif Cissé est le vrai rayon de soleil du film, touchant et espiègle, l'acteur trouvant ici un beau premier rôle. Autour de lui gravitent Denis Podalydès (Pierre, qui retrouve du temps pour vivre et nous régale en observateur complice), Aure Atika (Clara, lumineuse) et la jeune Clara Bretheau (Elsa, véritable révélation du film, à laquelle on finit par s’attacher). S’il faut cependant attendre d’avoir passé la première demi-heure pour que la comédie prenne enfin forme et adopte un rythme réjouissant, on en appréciera l’optimisme forcené qui rend l’ensemble touchant, en affichant de manière joliment amorale le mensonge comme un facteur de générosité et de changements positifs. Une réussite inattendue qu’on ne peut que conseiller en ces périodes de névrose, où les relations humaines se réduisent souvent à de stériles tensions.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur