LE MÉLANGE DES GENRES

Un film de Michel Leclerc

De nombreux sujets sérieux pour un film à la légèreté assumée

À Dijon, le groupe féministe Les Hardies n’est jamais à cours d’actions. Lors d’un affrontement avec l’association d’extrême droite viriliste Sauve ton papa, Sofia, une nouvelle, jette bêtement dans les égouts les clés des menottes qui leur ont servi à s’attacher aux grilles du tribunal, laissant ses collègues prisonnières. Parmi elle, Simone, flic infiltrée, tente de savoir si la bande est complice d’une femme battue, accusée d’avoir tué son mari. Alors que les autres comprennent qu’il y a une taupe parmi elles et qu’elle est aperçue devant le commissariat, Simone s’en sort en accusant au hasard un homme de viol. Et cela ne sera pas sans conséquences pour cet homme, Paul…

L’importance de la parole libérée est au cœur du nouveau film, toujours politique, de Michel Leclerc ("Le Nom des Gens"). Mais "Le Mélange des Genres" tente aussi d’embrasser nombre de sujets adjacents, des problèmes de garde des enfants à la possibilité du mensonge intéressé, en passant par l’introspection nécessaire des comportements masculins, l’impact dévastateur des actions militantes individualisées, ou encore les évolutions en cours face aux plaintes côté forces de l’ordre. Immensément riche, le scénario coécrit avec Baya Kasmi flirte régulièrement avec le politiquement incorrect, préférant la démonstration aux discours, pour mieux réinterroger un nécessaire équilibre, la libération de la parole ne devant pas déboucher sur un lynchage public.

En cela, intelligemment au delà des nombreux personnages féminins, c’est finalement celui d’un homme particulièrement sensible et inoffensif, qui devient le réceptacle de tous ces questionnements, subissant plus qu’étant acteur de son destin, tout en ne manquant aucune occasion de s’interroger sur son propre comportement. Et le jury du Festival de l’Alpe d’Huez ne s’y est pas trompé en décernant à Benjamin Lavernhe, qui incarne avec douceur et fatalisme, ce personnage d’acteur courant de petit cachet en rôle ingrat (il est modèle pour message médical sur boîtes de cigarettes et apparaît 2 minutes en livreur dans la pièce à succès que joue sa femme, Charlotte) tout en s’occupant de ses deux enfants.

Le casting est particulièrement bien composé, avec ce qu’il faut de folie pour Melha Bedia, en nouvelle membre trop zélée (Sofia), avec l’attitude faussement inquisitrice de Judith Chemla (Marianne), la droiture suspicieuse d’une Léa Drucker progressivement ébranlée dans son rôle (Simone), la compréhension rassurante de Julia Piaton (Charlotte), ou la détermination excédée de l'interprète de la femme violee devenue meurtrière par nécessité. Quant à la mise en scène de Michel Leclerc, elle se permet des apparitions bienvenues, parfois décalées mais toujours à propos (Vincent Delerme, Virginie Despentes...) tout en offrant quelques surprenants moments oniriques. Sans doute le moment est-il venu pour les hommes de devenir « doux », à l’image de ce film qui gratte là où ça fait mal, amuse par ses répliques ou situations, sans jamais oublier le sérieux des sujets abordés.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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