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LE JOUEUR DE GO

Un film de Kazuya Shiraishi

Pas de nouvelles règles

À la suite d’une fausse accusation de crime, Yamagida a été contraint de laisser derrière lui sa vie de samouraï pour embrasser le statut déclassé de rônin, vivant modestement à Edo avec sa fille Okinu. Mais ses journées sont également dédiées à la pratique du jeu de go, domaine dans lequel il révèle de fins talents de stratège. Des talents qui vont s’avérer très utiles à partir du moment où une nouvelle accusation calomnieuse vient mettre en doute son honneur et son intégrité…

On a beau se montrer intrigué lorsqu’un nouveau film nippon fait mine de s’aventurer sur le terrain déjà fortement labouré par les grands cinéastes japonais des années 50-60 (comme Akira Kurosawa ou Masaki Kobayashi), la prudence reste généralement de mise avant que la déception ne soit décisive. Nouveau prototype à rajouter à la liste : ce "Joueur de go" signé par un réalisateur nippon dont aucun film n’avait jusqu’ici trouvé le chemin des salles françaises (seul son pinku-eïga "L’Aube des félines" avait pu franchir nos frontières via l’édition d’un coffret DVD consacré à l’anthologie Nikkatsu's Roman Porno Reboot Project) et qui, en plus de se frotter à un genre beaucoup trop codifié pour surprendre, bute d’entrée sur un problème de mise en scène qu’il échouera constamment à relever. On fait évidemment allusion à la pratique du jeu de go : comment filmer cela de manière à en faire un enjeu de suspense captivant à l’écran, et surtout, comment réussir à en revisiter les règles à des fins symboliques ? Hormis la dualité ombre/lumière reflétée par la couleur (noire ou blanche) de ses pions, l’enjeu central de ce jeu de stratégie originaire de Chine, consistant à construire des territoires avec ses propres pièces afin d’encercler son adversaire, ne se connecte pour ainsi dire jamais avec les choix de mise en scène du réalisateur.

Ici, observer deux personnes se défier en positionnant calmement des pions sur un tablier quadrillé n’est pour ainsi dire ni passionnant ni vecteur d’une quelconque forme de suspense. Mais au-delà de ces face-à-face sans énergie, on sent surtout que Kazuya Shiraishi s’en est tenu à une récitation littérale des codes du chambara sans prendre soin de les moderniser, et à une peinture des luttes intestines vérolant le Japon féodal, sur lesquelles tant de cinéastes – surtout les deux cités plus haut – ont déjà imposé mille et une perspectives thématiques et critiques. Ainsi donc, on passe plus de deux heures et quart à contempler un défilé de codes esthétiques usités, allant des teintes ocres-jaunâtres aux sombres couloirs éclairés à la lanterne ou à la bougie en passant par les inévitables tensions psychologiques en vase-clos dans des décors feutrés où pullulent les pylônes calvitiques en kimono. Plus gênant encore, la lenteur visiblement voulue par le réalisateur n’offre même pas d’angle méditatif auquel se raccrocher tout au long de cette quête d’honneur sur fond de dissidence. Et pour ce qui est de laisser parler le sabre quand la tension atteint son paroxysme, mieux vaut faire l’impasse dessus tant ces instants sont ici plus furtifs qu’autre chose. Au final, c’est la loi terrible du 7ème Art : lorsqu’un genre a vu tant de films en épuiser les codes jusqu’à l’usure, chaque nouvelle itération est vouée à subir le jeu fatal de la comparaison dont elle peut difficilement sortir gagnante.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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