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LE JARDIN ZEN

Un film de Naoko Ogigami

Un difficile exercice d’équilibre

Alors que les bouteilles d’eaux sont rationnées et les informations annoncent des radiations dans un rayon de 5km autour de Fukushima, Yoriko fait bouillir de l’eau du robinet pour faire cuire le riz. Elle tâche de s’occuper de son beau père, alité, rabattant le bras de celui-ci lorsqu’il essaye de la tripoter. Elle fait ainsi tout à la maison, à la fois pour son mari et pour son fils adolescent. Mais suite à la disparition mystérieuse de son mari, ayant laissé le tuyau d’arrosage couler à l’extérieur, celle-ci va devoir faire face seule. Quelques années plus tard, alors qu’elle s’est laissée embarquer dans une secte, s’assurant ainsi une certaine sérénité, son mari réapparaît soudainement, découvrant le décès de son père six mois avant, et menaçant le précaire équilibre de Yoriko…

"Le Jardin Zen" est un thriller au rythme surprenant, dont l’intrigue tourne autour d’une femme semblant avoir trouvé la paix dans les rituels et les produits (l’Eau de la Vie Verte) proposés par une étrange secte. Vénérant chaque jour un autel couvert de boules de verre et de bouteilles, et surveillant l’ordre établi du jardin zen qu’elle a savamment dessiné dans la cour de sa maison, elle semble avoir mis à distance un passé et une séparation qui nous sont brièvement exposés. Mais entre le passage du chat dans le gravier et les traces laissées sur les boules de verre par un mari revenu soudainement dans sa vie et particulièrement curieux, c’est la distance irrémédiablement marquée entre ces deux êtres aux aspirations désormais différentes (les retrouvailles pour l’un, la liberté et l’équilibre pour l’autre), qui vont guider ici scénario comme mise en scène.

Doté d’un petit humour de fond, "Le Jardin Zen" s’applique avec méthode à moquer la crédulité et le caractère influençable de son héroïne, alors que ses pulsions de vengeance se font jour, aidées par une amie avec laquelle elle se retrouve régulièrement aux bains. Les envies de meurtres sont ainsi illustrées de manière clinique, avec par exemple un cadrage légèrement incliné, et l’usage soudain de couleurs légèrement plus chaudes. Et la musique, toute en claquements, vient envahir progressivement un récit où l’équilibre se rompt peu à peu, une nouvelle donnée concernant le mari venant troubler le questionnement entre pardon et vengeance, et faisant d’elle une figure observée de sa secte. La thématique de l’eau vient irriguer l’ensemble de la mise en scène (les gouttes d’eau au sauna, les différents produits d’une secte aux intentions mercantiles, les ondes dans les rêves en noir et blanc...) tandis que le personnage s’épaissit à la fois dans la compréhension de l’usage que les autres font d’elle et de l’image qu’elle renvoie.

Derrière la comédie dramatique se cache le drame des rescapés du tremblement de terre et du tsunami qui a engendré la catastrophe de Fukushima, mais aussi un film poignant sur l’émancipation face à un mari irresponsable. Gentiment amoral, ce film japonais passé par le Festival de Sarlat 2024 et les Saisons Hanabi un peu partout en France, sait séduire par sa lenteur calculée, l’interprétation habitée de Mariko Tsutsui ("L'Infirmière", "Harmonium", "Achille et la tortue"), et l’humour résolument noir qui le traverse.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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