LE DOSSIER MALDOROR
Un film policier efficace et glaçant, à la complexité assumée
Belgique, 1995. Deux fillettes de 7-8 ans sont portées disparues, et le sentiment que les forces de l’ordre ne font rien pour les retrouver se répand dans la population, comme dans les médias. Particulièrement zélé et idéaliste, le jeune gendarme Paul Chartier prend une déposition concernant un certain ferrailleur, récidiviste, qui aurait parlé de « chopper » deux filles, quelques semaine avant. Paul accepte alors de rejoindre l’opération secrète « Maldoror » lancé par son chef, qui a pour objet de surveiller cet homme, au cas où il aurait enlevé lui-même les filles…
Découvert parmi les films hors compétition du Festival de Venise 2024, "Le Dossier Maldoror" est le nouveau film du réalisateur belge Fabrice Du Welz ("Vinyan", "Adoration"), récemment aux manettes du documentaire sur Béatrice Dalle, "La Passion selon Béatrice". Auteur capable de concocter des ambiances poisseuses des plus malaisantes ("Calvaire"), et d'aligner les personnages borderline ("Alléluia"), le voici qui revient avec un polard complexe et dérangeant. Il faut dire que le scénario est inspiré librement de l'affaire Dutroux, dossier qui a laissé des traces dans la mémoire collective belge et bien au-delà, notamment pour les dysfonctionnements entre 3 services qui auront eu des conséquences néfastes. Des dysfonctionnements annoncés dès le début du film comme constituant finalement le sujet de fond du métrage, entraînant notamment l’idéaliste progressivement le personnage dans la violence, celui-ci étant déjà soumis à des pulsions que la première scène met parfaitement en avant.
Après un générique sur fond rouge, où les lettres du titre s’affichent une à une en plein écran, "Le Dossier Maldoror" met ainsi en parallèle la vie privée de ce gendarme, côtoyant sa bientôt belle famille sicilienne, et son enquête, prenante, où il se sent pieds et poings liés, face aux exigences des procédures, au poids de la hiérarchie, aux rivalités entre services. Anthony Bajon trouve ici un nouveau grand rôle, déployant un mélange inquiétant de naïveté, de fougue et de paranoïa, en ce gendarme allant vite en besogne, mais conscient que le temps presse et pour lequel l’affaire deviendra un sujet d’obsession. Face à lui, des acteurs de renom composent des rôles tous à la limite de la raison : Béatrice Dalle, en mère malvenue, Jackie Berroyer et Sergi Lopez en immondes rouages de cette sombre affaire. Créant le malaise grâce à leurs comportements autant que par l’utilisation de lieux sordides (carrosserie, sous-sols…), Du Welz conclue son métrage à l’ambiance glauque à souhait, par une pirouette qui constitue à elle-seule un plaidoyer pour les vies inutilement sacrifiées. Un film efficace et glaçant.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur