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LE DERNIER SOUFFLE

Un film de Costa-Gavras

Se préparer au pire

Fabrice Toussaint, philosophe et écrivain, passe un IRM aux États Unis, dans l’hôpital où son frère travaille. On lui détecte une petite tache à l’abdomen, qu’il faudra surveiller. Inquiet, il passe un autre IRM en France, trois semaines plus tard. C’est alors qu’il fait la connaissance du Docteur Augustin Masset, chef de services de soins palliatifs, qui commence à lui raconter l’histoire de certains de ses patients, et à lui en faire rencontrer d’autres…

Adapté du livre éponyme de Claude Grange et Regis Debray (2023), "Le Dernier Souffle" revient sur la rencontre du philosophe avec le médecin et leurs échanges, en nous menant d’un patient à un autre, pour mieux interroger la question de la fin de vie et du traitement des malades en France. La proportion de patients pouvant chaque année accéder à une unité de soins palliatif, évoquée au cours du film, est d’ailleurs particulièrement effrayante. Ici le philosophe, qui vient d’écrire un livre polémique intitulé "Le Fléau des Seniors", persuadé qu’il est malade, est interprété avec tact et verve par Bruno Podalydès. Tandis que le médecin, posé et pédagogue, est incarné par Kad Merad. Si on pourra reprocher un caractère trop démonstratif, avec ce personnage semblant en permanence en train de faire un exposé, ce nouveau film de Costa Gavras (92 ans) n’en est pas moins aussi éprouvant et émouvant par les cas qu’il évoque, qu’apaisant par le choix d'une dédramatisation permanente, aux accès d’inquiétude de l’un répondant l’apparente sérénité de l’autre.

Partant du constat que 1/3 des médecines n’ont aucun effet et qu’il en existe trois types (préventive, curative et palliative), "Le Dernier Souffle" nous positionne en témoins de patients comme de proches aux différentes postures influencées par le niveau d'espoir, les conceptions de la vie, ou même la religion. Ainsi, quand en flash-back apparaît Charlotte Rampling refusant qu’on la ranime, et pestant contre « ces connards [qui] sont croyant » et l’obligent à continuer de souffrir, à l’autre bout du film Hiam Abbass joue aussi les femmes qui préfèrent l’acharnement thérapeutique. L’évocation de l’au-delà est aussi faite lors d’une scène d’une grande douceur dans laquelle une patiente bien documentée évoque différentes croyances. La trop rare Marilyn Canto, elle, incarne la femme du philosophe avec brio, représentant droiture et ancrage dans un réel aux perspectives pas si sereines.

Mais le film aborde bien entendu toutes sortes d’étapes vécues par les malades eux-mêmes, du déni à la peur de la mort qu’il faut vaincre, en passant par la séparation des animaux de compagnie, le désir de terminer ses jours chez soi ou l’insupportable dépendance. Quand il n’est plus possible de "Réparer les vivants", nous sommes ici dans un geste d’accompagnement vers la mort. Il s’agit là d’apprendre à être présent, le film prenant sur la fin des aspects politiques, dénonçant contenu des cursus médicaux comme politique sur le grand-âge. L’arrivée des gitans autour du personnage d’Angela Molina fait d’ailleurs figure de nouvelle leçon de vie (ou de mort) sur ce point. Alors n'ayez crainte, laissez-vous embarquer par ces deux personnages bienveillants afin de mieux comprendre les enjeux d'une fin de vie de laquelle on détourne encore trop facilement le regard.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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