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LE CONTE DES CONTES

L’œuvre esthétiquement admirable d’un grand maître

Quatre courts métrages : des soldats participant à une guerre meurtrière ; un héron et une cigogne qui passent leur temps à se draguer ou à se rejeter ; un entremêlement de souvenirs avec notamment un petit loup ; un hérisson qui se perd dans le brouillard…

Le Conte des contes film d'animation animated short movies

Youri Norstein fait partie de ces réalisateurs vénérés dans le monde de l’animation. Il méritait bien que certains de ses courts métrages soient réunis pour sortir dans les salles françaises. Avant de couronner ces œuvres de lauriers, on pourra tout de même se montrer perplexe concernant la classification « jeune public » pour "Le Conte des contes" (qui donne son nom au recueil), car on est plutôt du côté du film ésotérique et symbolique, à la limite du non-narratif, qui accumule et entremêle des scènes à la signification plus ou moins obscure, digne d’un film de Tarkovski. Il y a des chances que les plus jeunes décrochent – et pour être franc, même certains adultes ! En tout cas, si l’on ajoute que les films sont en russe sous-titré (seul "La Bataille de Kerjenets" ne contient aucune parole), la recommandation « à partir de 8 ans » est vraiment un minimum.

Cela dit, il n’y a rien qui puisse traumatiser les plus jeunes et le recueil peut ravir tout le monde par son esthétique, et même éblouir par ses incroyables inventivités et maîtrises techniques. Le programme s’ouvre sur "La Bataille de Kerjenets" (1971, 10 minutes), seul film au sein du recueil que Norstein a coréalisé (avec Ivan Ivanov-Vano, autre nom majeur de l’animation soviétique). Visuellement, on en prend plein la vue avec ce récit épique animant des icônes religieuses, jouant à la fois avec les couleurs, les textures et le relief avec une maestria bluffante. Notons qu’il faut avoir un œil aiguisé et des références solides pour y retrouver la légende évoquée dans le carton explicatif qui précède le film. Mais peu importe : on peut n’y voir que la mise en scène d’une guerre et de ses effets, et ça suffit amplement.

Suit l’amusant "Le Héron et la Cigogne" (1974, 10 minutes), peut-être le plus léger de la sélection, bien qu’on puisse voir dans cette fable une critique plutôt acerbe. Il s’agit en tout cas d’une merveilleuse appropriation de la technique du papier découpé, appliquée ici à un support en celluloïd, ce qui produit une atmosphère très particulière, aux couleurs douces voire effacées.

Si on a émis plus haut des bémols concernant les difficultés à appréhender l’énigmatique "Contes des contes" (1979, 29 minutes), il est sans doute inévitable de s’incliner devant sa beauté et son impressionnante réussite technique. Même si l’on ne comprend pas le fond, on s’extasie aisément devant la poésie visuelle et musicale de ce film, que l’on peut a minima voir comme une immense rêverie.

Enfin, le programme se clôt avec une deuxième fable, "Le Petit Hérisson dans la brume" (1976, 10 minutes, également connu sous le titre  "Le Petit Hérisson dans le brouillard"), véritable chef d’œuvre qui est depuis longtemps considéré comme un immense classique ("Le Conte des contes" a également un tel statut, mais comme on l’a déjà souligné, il est moins accessible…). Là encore, le résultat visuel est saisissant, entre autres pour sa capacité à recréer l’atmosphère brumeuse. Youri Norstein parvient à nous emporter dans cette aventure et nous faire ressentir les émotions et sensations du petit hérisson. C’est brillant et d’une infinie tendresse.

Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur

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