LE CHOIX
Quand vous regardez Vincent Lindon, c’est Vincent Lindon qui vous regarde
Joseph Cross est un bon père de famille et un entrepreneur dans le bâtiment, de confiance et loyal. Alors que le plus gros chantier de sa carrière l’attend, la veille au soir il reçoit un coup de téléphone. Joseph monte dans sa voiture et trace le bitume. Il va devoir faire un choix qui risque d’ébranler tout l’édifice de sa vie…
Vous souvenez-vous de "Locke" de Steven Knight en 2013, avec Tom Hardy en tête d’affiche? Un film minimaliste avec à la clé un exercice de taille, autant pour le metteur en scène que pour son acteur principal, vu que l’intégralité du métrage se déroule dans l’habitacle d’une voiture le temps d’un trajet du protagoniste. "Le Choix" de Gilles Bourdos en est donc un remake avec notre gueule préférée, Vincent Lindon, qu’on ne présente plus. Alors qu’apporte cette nouvelle mouture qui s’est faite discrète sur nos écrans ? Parce qu’on peut dire qu’un exercice de style de ce genre-là peut vite montrer ses limites et n’être qu’un prétexte au défi technique et à la performance de stars. Bien entendu, il y a des grands qui s’y sont essayés et avec des classiques à la clé (au hasard, "Panic Room" de David Fincher en 2002 ou "Buried" de Rodrigo Cortés en 2010), alors il était indispensable de laisser sa chance à ce réalisateur assez discret (on n’avait pas vu un de ses films depuis "Renoir" en 2012).
Ce retour sous forme de pari est en fait assez cohérent : tout comme le personnage de Joseph Cross, Gilles Bourdos remonte les boulevards parisiens pour montrer à tout le monde qu’il a encore des choses à dire. Avec une économie qui lui sied à merveille, il compose une virée à la frontière du thriller et du drame intime, avec une efficacité et une retenue souvent rares dans ce genre d’exercice. Revenant à un film concept, simple et fort, avec en tête d’affiche un des meilleurs acteurs de sa génération, le cinéaste se montre en pleine possession de ses moyens (on se souvient de son "Et après" en 2008 avec Romain Duris avec un budget confortable qui n’avait pas sauvé le film de son côté aseptisé) avec pour preuve toutes ces séquences rythmées au son du téléphone, annonce récurrente d’une future tension, ou d’introspections dans le rétro.
Le film parvient ainsi à nous maintenir en haleine avec un procédé en apparence anti cinématographique (comprenez, une narration dépliée au gré des coups de fils). Mais ses cadres qui durent et s’avèrent précis, son acteur mangé par la vie qui donne tout, emballent le tout avec une certaine maîtrise. Au fur et à mesure qu’on en apprend plus sur la situation ainsi que sur notre héros, il nous paraît clair que le cœur du film est la relation de Joseph avec son défunt père, avec qui il dialogue entre certains segments (ceci sans être mécanique). Ce cœur qui raconte un fils constamment à la recherche de la validation d’un père tortionnaire, exigeant tout et en ne donnant rien, qui le hante même depuis l’au-delà, avec le fameux choix que Joseph doit faire : casser ou répéter le cycle familial. Sa décision nous colle encore des frissons et ce plan de fin à un carrefour nous laisse sur une question intéressante : malgré les mots et les actes forts, ira-t-il jusqu’au bout ? Un grand petit film, emballé en moins d’une heure vingt, comme on n’en voit plus.
Germain BrévotEnvoyer un message au rédacteur