LE CHOIX DU PIANISTE

Un film de Jacques Otmezguine

Autopsie d'un collabo

François Touraine commence à apprendre le piano très jeune, auprès de Rachel, de laquelle il va s’éprendre au fil des ans. Mais Rachel est juive et les nazis occupent la France. Elle est arrêtée et déportée au camp de Drancy. Et François se voit contraint de jouer pour les nazis dans l’espoir de la retrouver…

Certains spectateurs navigueront en terrain connu, tant l’occupation nazie en France a été vue et revue au cinéma. Ce sous-genre ultra dominant du cinéma historique dispose de ses propres codes : les résistants, les collabos, les rafles et les officiers acariâtres avec leur casquette à tête de mort et leurs talons qui claquent. On retrouve également le personnage de Wilhelm Furtwängler auquel István Szabó avait consacré un très bon film en 2008 : "Taking sides – le cas Furtwängler". Mais dans la dernière réalisation de Jacques Otmezguine, l’occupation nazie apparaît davantage comme une toile de fond que comme le sujet du film. C’est avant tout l’histoire des amours de son héros, François Touraine, à la fois envers le piano et envers celle qui lui enseigna cet art, Rachel. Des amours contrariés par l’arrivée des fascistes, qui le contraignent à jouer pour eux.

Oscar Lesage interprète avec justesse cet amoureux désespéré prêt à tout pour retrouver sa belle. Hélas le reste du casting peine à convaincre. On leur a visiblement imposé cette diction bourgeoise et alambiquée propre au cinéma d’Éric Rohmer ou Emmanuel Mouret qui irrite leurs détracteurs autant qu’elle ravie leurs inconditionnels. Choisissez votre camp ! Mais ce n’est pas parce que vous vous positionnez dans les inconditionnels que le film de Jacques Otmezguine sera fait pour vous. La romance dépeinte ici est par essence tragique, tandis qu’il y’a toujours une certaine légèreté de l’amour chez Rohmer ou Mouret.

Mais cessons les comparaisons inégales. "Le choix du pianiste" manque de justesse d’écriture, tant dans son scénario trop prévisible ou dans ses dialogues un brin surfaits. Jacques Otmezguine réussit tout de même quelques très beaux plans, comme celui du couple naissant interprétant un morceau à quatre mains tandis que le décor autour d’eux s’efface progressivement, ou lorsque le drapeau nazi s’abat avec fracas sur la scène du philarmonique. Notons aussi que les plus cinéphiles remarqueront sans doute la courte apparition d’Andréa Férreol, icône du cinéma des années 70 et 80 (vue notamment chez François Truffaut, Marco Ferreri ou Rainer Werner Fassbinder) qui se fait de plus en plus rare à l’écran. Preuve que "Le choix du pianiste" n’est pas un film dénué d’originalité ni d’intérêt. Mais il ne sera pas la petite surprise de ce début d’année.

Benjamin BidoletEnvoyer un message au rédacteur

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