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LE BARRAGE

Un film de Ali Cherri

Blocages

Dans le Nord du Soudan, Maher est employé dans une briqueterie près du barrage de Merowe. Après ses journées de travail, il construit dans le désert une étrange structure faite de boue et de bois…

Le Barrage film movie

Sur le papier, "Le Barrage" pourrait être un pendant africain du "Still Life" de Jia Zhangke (2006) : un film d’auteur évoquant les conséquences sociétales et géographiques de la construction d’un gigantesque barrage, sans que celui-ci ne soit explicitement au centre de la narration. Pour son premier long métrage, l’artiste et réalisateur libanais Ali Cherri pose ainsi sa caméra au Soudan (pays rarement filmé), dans un contexte de bouleversement politique du pays.

C’est d’ailleurs sur ce point que son film s’avère le plus intéressant : sans montrer directement les révoltes qui ont conduit à la destitution du président Omar el-Bechir en 2019, le cinéaste montre comment elles imprègnent jusque dans les coins les plus reculés, à travers les médias (télé et radio), les tags qui diffusent des slogans politiques, et puis, de façon plus symbolique, le personnage principal qui rêve manifestement de jours meilleurs à travers sa création. Cette dernière, instable et aux contours incertains, peut ainsi apparaître comme une matérialisation d’un avenir flou, mélangeant crainte et utopie.

La monstruosité de cette sculpture de terre, qui obsède le personnage au point de hanter ses rêves et de lui parler dans une langue inconnue, intrigue le spectateur autant qu’elle le désarçonne, d’autant que s'adjoint à cette énigmatique construction une tout aussi mystérieuse plaie qui meurtrit le dos du personnage (avec un écho entre cette blessure et la terre craquelée). S’ajoutent à cela la beauté des paysages désertiques et le jeu tout en retenue de l’acteur principal (récompensé au Festival du Caire), qui parvient à émouvoir le temps d’une scène que reprend l’affiche du film.

Malheureusement, l’ensemble paraît vain voire prétentieux. Au final, le film d’Ali Cherri devient une caricature d’art contemporain : allier la lenteur et des touches de bizarrerie ne suffit pas, car la mise en scène épurée sonne plutôt creux, en caressant de manière superficielle tout ce qui aurait pu rendre ce récit bien plus riche. Ainsi, le métrage devient abscons en refusant de traiter plus en profondeur les enjeux sociétaux ou écologiques du barrage. Les suggestions et les symboles peineront donc à satisfaire le public si celui-ci est plus avide de géopolitique que d’art élitiste. Et malgré une durée d’1h21, "Le Barrage" semble interminable…

Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur

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