Bannière Festival Lumière 2024

LAST DAYS

Un film de Gus Van Sant

Kurt, où es tu ?

Blake, un artiste grunge, vit retranché dans une maison quasiment laissée à l’abandon dans les bois. Il erre tel un fantôme dans cette forêt, la maison et plus généralement dans un monde qui ne l’atteint plus. Derniers morceaux de vie d’un musicien talentueux…

Tout d’abord il est important de dire que ce film est dédié à Kurt Cobain et n’est en rien le récit de la fin de sa vie. Malgré l’incroyable mimétisme de l’excellent Michael Pitt, la vie et le tout qui faisait de Kurt le leader charismatique de Nirvana n’a rien à voir avec ce qui nous est présenté dans Last Days.

Dans ce film romantique (au sens littéraire du terme, où le sublime de la nature et l’isolement sont magnifiés), le héros est un musicien talentueux qui fuit le monde des réalités, et devient une âme errante, un spectre. La première scène du film montre l’osmose du personnage avec les forces de la nature qui l’entoure, réelle opposition avec la distance qu’il met avec le monde animé qui l’entoure.

Les personnages qui entourent Blake tentent à plusieurs reprises de rentrer en contact avec lui, qu’il s’agisse de sa maison de disque, un détective ou mêmes ses amis qui habitent dans cette grande maison, mais il reste finalement assez détaché de tout cela, préférant se retrouver seul et composer. D’ailleurs, aucune allusion à Courtney Love n’est faite de manière directe, mais elle semble déculpabilisée par l’abandon de Blake de tout ce qui pouvait le toucher.

De même une scène assez choquante d’abandon cette fois du coté extérieur est le passage de 2 jeunes séminaristes mormons censés prêcher la bonne parole, et qui fuient face à ces jeunes adultes dont le salut et la rédemption semblent inaccessibles.

L’autisme, l’enfermement que l’on devine dû à la prise d’héroïne, n’est pas là pour condamner ou magnifier la drogue, mais pour démontrer le génie qui va transparaître de cet état second. En effet, trois moments musicaux magiques ressortent de ce silence :

Un morceau instrumental de Michael Pitt avec un travelling arrière sur un bow-window, ne nous invite pas à être spectateur de la création ; le réalisateur nous demande de laisser l’artiste en paix afin de ne pas couper son élan créatif.
Lukas Haas est animé par la musique ; il met un vinyle du Velvet Underground et écoute « Venus in furs » à fond, ce qui trouble la tranquillité de la maison mais n’arrive pas à faire sortir Blake de son mutisme
Enfin, la scène la plus forte, à la fois touchante et puissante, est celle de la composition d’un morceau à la guitare. Cette fois le spectateur peut être présent, mais on lui demande en cours de route de se retirer discrètement afin de ne pas troubler l’artiste.
Malgré de forts moments musicaux, qui au total ne feront guère plus de 10 minutes de film, ce dernier présente des lenteurs peu soutenables pour une certaine audience, lenteurs accentuées par l’isolement du personnage et la mise en scène, qui reste très proche de celle d’Elefant. On note des superpositions temporelles de scènes, vues sous différents angles par exemple on voit deux fois Scott remettre une cassette de démo à Blake, et également on retrouve dans deux scènes Blake habillé d’une nuisette affalé derrière une porte. On se délectera par contre de la superposition de plan dans la scène finale, où Blake est retrouvé mort dans un atelier où il composait et son âme symbolisée par un corps nu s’échappe et monte vers un repos éternel.

Kurt, bon voyage.

Véronique LopesEnvoyer un message au rédacteur

À LIRE ÉGALEMENT

Laisser un commentaire