LA RIVIÈRE DES SENS
Film érotique… à l’émotion confinée
À Yan Jiao, ville dortoir en périphérie de Pékin, une femme fait négligemment le ménage dans son appartement. À l’extérieur, des haut-parleurs rappellent à la population qu’il est interdit de sortir, confinement oblige. Seule et désœuvrée, elle se donne du plaisir, tout comme un autre homme, à un autre endroit, l’œil rivé à un trou dans le mur…
Contemplatif et à l'image soignée, le premier film de Ma Xue se présente comme un puzzle incomplet mettant en scène deux femmes et deux hommes que l'on découvre chacun seuls. L'une des femmes semble tout juste sortie de l'adolescence alors que l'autre, confinée dans son appartement, a dépassé la trentaine. Est-ce la même personne à des âges différents ? La question reste ouverte.
On comprend petit à petit que la femme de 30 ans vit avec un des hommes et le trompe avec le second. Néanmoins nous n'en saurons pas plus sur le statut des protagonistes, et quasiment aucun dialogue ne sera échangé entre eux. Seuls quelques monologues des femmes en voix-off ponctuent le métrage. La plus jeune s'exprime en anglais alors que la seconde parle chinois. Ces messages, nullement narratifs, sont des réflexions métaphoriques. Visuellement aussi, les parallèles symboliques sont omniprésents. Certains sont subtiles et poétiques, d'autre moins, à l'image de cette scène où l'amant urine régulièrement sur l'arbre qui marque la limite de la zone de confinement où la femme ne peut aller.
Toutes ces allégories, si recherchées soient-elles, restent néanmoins figées dans un répertoire purement esthétique car, à bien y regarder, aucune émotion ne transparaît. Derrière les images léchées et l'ambiance arty, l'essentiel du film réside essentiellement dans une succession de scènes de sexe brutes et physiques où la perversion demeure dans le camp masculin. Le fantasme de la femme soumise a encore de beaux jours devant lui et ce ne sont malheureusement pas quelques paraboles poétiques en seconde lecture qui suffiront à dénoncer ce triste état de fait.
Gaëlle BouchéEnvoyer un message au rédacteur