LA RÉPARATION

Un film de Régis Wargnier

La mayonnaise ne prend finalement pas

Clara, fille d’un grand cuisinier, aime Antoine, le jeune sous-chef dans le restaurant de son père. Cela fait plusieurs mois qu’ils vivent de cet amour caché qu’ils ne comptent révéler qu’après l’obtention de la troisième étoile au fameux guide Michelin. Le jour où celle-ci est enfin décernée, le père et Antoine disparaissent mystérieusement lors d’une partie de chasse…

Le film de Régis Wargnier (lauréat en 1993 de l’Oscar du meilleur film étranger pour "Indochine") commence dans une énigmatique échappée belle dans les bois en costume d’époque. Et « énigmatique » pourrait être le leitmotiv de tout ce film. "La Réparation", film au titre très énigmatique, tentera – vainement – d’embarquer le spectateur dans une histoire de disparition qui emmènera l’héroïne entre la France et Taïwan. Malheureusement, ce qui aurait pu être un thriller familial tendu ou un polar culinaire délicat retombera comme un soufflé. Le métrage sera au final trop loin du suspense attendu et du film à intrigues espéré.

Pourtant, "La Réparation" pose parfaitement ses atouts dès le début avec des ingrédients qui mettent en appétit : un père surprotecteur envers sa fille, un prétendant qui se fait démasquer et une partie de chasse où tout peut basculer. Sauf que ce qui s’y passe devient l’unique enjeu du film. Qu’est-il arrivé dans cette forêt pour que les deux protagonistes disparaissent en même temps et laissent la belle Clara seule et désespérée ? L’enquête ou plus exactement la quête ne commence que deux ans plus tard quand la jeune femme reçoit une invitation à un congrès culinaire à Taipei et que des indices de plus en plus évidents tendent à prouver que l’un des deux disparus est derrière ce faire-part.

Malheureusement pour les spectateurs, cette énigme sera l’unique plat principal à se mettre sous la dent. Rien d’autre de bien conséquent au menu de "La Réparation". Jouer sur une disparition pour conserver un semblant de suspense, c’est déjà bien maigre. Mais en plus dévoiler le pot-au-rose vers la moitié du film, c’est carrément kamikaze. Une fois les enjeux derrière nous, on ne peut que constater les dégâts. L’histoire pédale dans la semoule et peine à nous maintenir en haleine jusqu’à l’épilogue. Elle n’a plus que des miettes à nous offrir : un début de rumeur, un transfert incognito en moto, des adieux bâclés, une exfiltration vers un port, le tout dans des scènes qui traînent en longueur et qui n’ont que peu d’intérêt vu qu’on a déjà décroché depuis des lustres.

Il faut dire que la mise en scène n’est pas à la hauteur d’un chef étoilé. C’est parfois raté comme lors de la scène du sermon en cuisine au début. C’est parfois peu inspiré quand il s’agit de situer Taipei et que le même plan de la ville avec le pont est répété plusieurs fois. C’est parfois énigmatique comme lors de la noyade stylisée de Clara, filmée mystérieusement telle une naïade. Et évitons de rire du plan final derrière la vitre en arrêt sur image très années 80, lorsque Wargnier relancera une dernière fois l’histoire de cette double disparition avec une dernière tirade à l’effet ridicule.

Tout n’est pas à jeter, les comédiens et, en premier lieu, la jeune génération tirent tout bonnement leur épingle du jeu. Wargnier a convoqué la crème de la crème et il a eu raison. Julia de Nunez, la « Bardot » de la série télévisée sur France 2, réussit brillamment à porter son personnage et à faire vivre sa propre force de conviction et son acharnement de femme qui ne baisse jamais les bras. Julien de Saint Jean, révélation dans les films "Paradis" ou "Le Comte de Monte-Cristo", campe avec assurance un personnage aux multiples facettes et tient la dragée haute au vétéran Clovis Cornillac, davantage en roue libre dans ses cuisines.

D’ailleurs, que retiendra-t-on du milieu de la gastronomie ? Déjà des assiettes qui nous mettront l’eau à la bouche (même si on sera loin de la gourmandise de "La Passion de Dodin Bouffant"). Ensuite, la conviction que la cuisine est un véritable pont culturel entre les peuples et nos sociétés. Enfin, et surtout, une critique à peine voilée des journalistes et critiques gastronomiques tout juste bons à lancer des rumeurs et à raconter des histoires sans qu’ils n’y comprennent rien ! De là à ce que Wargnier parle aussi des critiques ciné, il n’y a qu’un pas !

Mathieu PayanEnvoyer un message au rédacteur

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