LA PETITE DERNIÈRE

Depuis qu'elle est passée derrière la caméra en 2019 avec "Tu Mérites un Amour", Hafsia Herzi s'est imposée comme une réalisatrice sur qui il faut compter. Signe de cette ascension irrésistible, son quatrième long métrage (si on inclut un téléfilm diffusé en 2022 sur Arte) est gratifié d'une sélection en compétition officielle à Cannes. Ce portrait d'une jeune femme d’une famille d’origine maghrébine vivant en banlieue et affirmant peu à peu son homosexualité a déjà séduit une grande partie des festivaliers. Il est vrai que la réalisatrice fait preuve, comme à son habitude, d'une grande sensibilité dans l'expression des sentiments de ses personnages et en traitant ici la question du conflit entre la pratique religieuse et la sexualité. Elle développe ainsi un récit qui se veut authentique et sans effet de manche.

Il y'a beaucoup de naturel dans le parcours de la protagoniste et sa matière de découvrir l'amour lesbien, contrainte qu'elle est de le faire avec des inconnues rencontrées sur des applis faute de proches à qui en parler. Ni sa famille, incapable de voir sa différence, ni le jeune homme qui lui fait la cour et parle déjà de mariage, ne soupçonnent une seule seconde que la petite dernière a d'autres envies que ses ainés. Ce ne sont pourtant pas les indices qui manquent, en particulier la propension de la cadette à s'habiller et se comporter comme un bonhomme. Ils partent sans doute du fait que l'habit ne fait pas le moine et qu'il est malvenu du juger les gens sur leur apparence. Ils imaginent peut être aussi que si elle avait quelque chose à leur annoncer ça aurait déjà été fait.

"La petite dernière" est un bon film en soi, mais souffre de la comparaison avec d'autres films traitant du même sujet, qui se font de plus en plus fréquents ces dernières années. On pense notamment à "La Vie d’Adèle" qui ne manquait pas d’audace dans la manière de traiter l’attirance entre femmes. Face à cette concurrence, il est devenu indispensable de faire preuve d'originalité pour se démarquer. Or l'originalité dans la mise en scène, c'est ce qui manque cruellement à ce métrage. L'ambition de faire un film sincère et presque pédagogique est louable, mais parfois pas suffisante.