LA PAMPA
Des chemins potentiellement divergents
A Loyvé, petit village du centre de la France, Willy et Jojo, deux amis adolescents, se sont promis de partir à la ville, après le Bac. Mais Jojo, qui s’entraîne au motocross, subit la pression de son père, qui veut faire de lui un champion. Willy, de son côté, vit avec sa mère, qui a un nouveau compagnon, et sa petite sœur, dans une maison qu’il découvre être à vendre. Devant récupérer un truc au garage, Willy aperçoit Jojo en train de baiser avec le garagiste, Teddy. Même s’il n’en parle pas, ce secret ne va pas tarder à se savoir…

Découvert à la Semaine de la critique de Cannes 2024, "La Pampa", premier long d'Antoine Chevrollier (réalisateur d'épisodes des séries "Baron Noir" et "Le Bureau des légendes"), commence comme un film de bande de potes, baigné dans la chaleur et la lumière de l'été (le film est doté d'une très belle photographie). Un groupe d'ado joue ainsi autour d'une route départementale, puis rejoint des filles dans la piscine d'un particulier, dont ils sont rapidement chassés par le déclenchement de l'alarme. C'est donc l'insouciance qui domine le début du métrage, même si, dans une scène joliment tendue, Jojo joue les casse-cou en traversant au hasard la route en moto, franchissant ainsi une limite symbolique rejoignant celle qu'on le découvrira franchir par la suite. C'est ensuite le temps de l'exposition des personnages, du père de Jojo, interprété par un Damien Bonnard glaçant, au nouveau partenaire de la mère de Willy, relativement effacé mais bienveillant (Mathieu Demy). Ceci avant que la découverte de la vente prochaine de la maison ne vienne annoncer un départ anticipé pour Willy et la découverte de l'homosexualité de Jojo ne mette le feu au village.
D'exclusion et d'a priori persistants en milieu rural il est donc question, mais "La Pampa" est avant tout un beau film de passage à l'âge adulte, avec tout ce que cela comporte d'incompréhensions, d'éloignements, de choix personnels et de non-dits. Le respect de l'autre passe ici par le regard de Willy, qui guide finalement la narration, observant la capacité de Jojo à s'extirper ou non des modèles masculins que veulent lui imposer d'autres garçons et son père tyrannique. Ce n'est d'ailleurs par pour rien que le film se déroule dans le milieu du moto-cross, sport aux codes masculins appuyés, et c'est là que le double sens du titre s'installe, de par le nom du terrain de compétition. On saluera tout particulièrement le rôle inattendu d'Artus, et surtout la prestation remarquable de Sayyid El Alami, vu également dans "Leurs Enfants après eux" en décembre dernier. On suivra en tous cas avec intérêt les prochains projets du réalisateur.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur