LA MER AU LOIN
Le long chemin du rêve à une certaine réalité
1986, Nour, 27 ans, vit une vie en marge à Marseille, faite de petits trafics, de baignades et de fêtes, avec un groupe de quatre autres amis, eux aussi clandestins maghrébins. Arrêtés, ils tentent de se faire passer pour des portugais. Plus tard, suite à une descente de police, Nour rencontre Serge, un flic apparemment bienveillant, qui lui présente sa femme Noémie. Celle-ci va l’aider pour ouvrir un compte en banque…

"La Mer au loin", séance spéciale à la Semaine de la critique 2024 et passé depuis par le Festival de Sarlat, est un chronique s'étalant sur près de 13 ans, qui suit un immigré clandestin maghrébin coincé entre son désir de devenir français et celui de ne pas renier ses origines ni les siens. Le chemin sera long pour lui, pour accepter les choix qu'il a dû faire et ne pas regretter les interactions qu'il a pu avoir, avec un flic ambigu (formidable Grégoire Colin), sa femme qui le fascine, ou celle qui est finalement retournée au pays. Le métrage n'est pas une œuvre facile, le scénario se nourrissant d'ellipses, creusant successivement des personnages que l'on apprend à connaître, et faisant progresser en apparence son protagoniste vers une nationalité désirée et identité troublée.
C'est ainsi que l'on pourra au départ avoir du mal à s'attacher à Nour, interprété avec finesse par un Ayoub Gretaa qui devient presque lui-même ambigu, l'émotion ne pointant son nez que dans la troisième partie, lorsqu'il se rapproche de Noémie (Anna Mouglalis, décidément trop rare), pour reparaître violemment lors d'un douloureux et salvateur voyage au pays. Se réconcilier avec son passé, maintenir le lien avec ses racines, ne pas regretter le choix d'une vie dont on peut enfin profiter (un personnage dit au départ « je ne suis pas venu ici pour vivre comme un rat »), et finalement, laisser "La Mer au loin", voila peut-être l'enjeu de ce qui est au final plus un parcours qu'un portrait.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur