LA MEMORIA DE LAS MARIPOSAS

Une troublante enquête, à la forme déroutante

Ayant trouvé dans un album, à Iquitos, la photo de deux garçons de tribus indigènes, Omarino et Aredomi, autrefois emmenés à Londres comme propagande contre La Casa Arana, plantation de caoutchouc qui exploitait les locaux à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, Tatiana Fuentes Sadowski décide d’enquêter pour savoir si ceux-ci sont jamais retourné dans leur village de l’Amazonie péruvienne…

Prix FIPRESCI de la critique internationale dans la section Forum du Festival de Berlin 2025, où ce documentaire était présenté, "La Memoria de las Mariposas" ("La mémoire des papillons", en français) est une œuvre hypnotique, où reviennent certaines images (des pieds dans une danse tribale, des vues sur une baie…) et sons (la forêt vierge, des chants…), dans un énorme travail sur les dominantes de couleurs, comme pour mieux nous imprégnés nous aussi de la mémoire et de l’identité des lieux. Dans des superpositions savamment construites, Tatiana Fuentes Sadowski évoque le manque d’éléments pour reconstituer l’histoire de ces deux garçons, arrachés à leur milieu et qu’elle aimerait savoir revenus parmi les leurs par la suite. Une sorte d’écho à ses propres racines, elle-même s’interrogeant à un moment sur le fait de s’être arrêtée sur cette photo en particulier, qui la hante depuis, comme si ces deux jeunes la regardaient et l'interpellaient

Évoquant l’exploitation du caoutchouc (« le sang blanc »), c’est l’esclavage et donc une certaine forme de génocide qu’elle dénonce, s’appuyant sur photos, journaux et images de travailleurs. Elle soulignant avec acuité le fait que les images de l’impensable n’existent pas (hommes mutilés, femmes forcées à devenir des concubines, enfants exploités…) et que les familles incriminées ont nié, minimisé, voire tenté de justifier leurs actes. Basant une bonne partie du métrage sur des écrits (qu’elle affiche ponctuellement à l’écran en différents formats…) d’un « conseil » venu faire un rapport en ce début de XXe siècle, elle met l’histoire des deux garçons en parallèle de son propre voyage en ces terres. Une manière sans doute d’explorer un pan de sa propre culture, oublié ou enterré.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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