LA CHAMBRE D'À CÔTÉ
Regarder la mort en face
Ingrid est en train de dédicacer son dernier livre, dans lequel elle aborde sa peur de la mort, quand elle apprend que sa grande amie Martha, qui est correspondante de guerre, est à l’hôpital, atteinte d’un cancer des cervicales. Ingrid lui rend alors visite et Martha en profite alors pour se livre sur son passé et son rapport brisé avec sa fille Michelle. Mais alors que le dernier traitement expérimental qu’elle a accepté de suivre n’a pas fonctionné, Martha demande à Ingrid de l’aider à se suicider en étant celle qui passera ses derniers jours avec elle et qui officiellement découvrira son corps…
Lion d’or du dernier Festival de Venise, le nouveau film de Pedro Almodovar est adapté du roman éponyme de Sigrid Nunez, et constitue un troublant plaidoyer en faveur de l’euthanasie et en tous cas du droit à mourir dignement. Après quelques scènes entre l’hôpital et l’appartement de Martha (malade d’un cancer et ayant épuisé tous les traitements expérimentaux possibles), Almodovar nous plonge dans la maison qu’a louée celle-ci pour un mois, près de Woodstock en pleine forêt, espérant passer quelques moments paisibles avec son amie Ingrid (écrivaine), avant de choisir de s’éteindre. Ingrid sera donc cette personne, un temps perdue de vue, qui logera dans la « chambre d’à côté », guettant chaque matin avec de plus en plus de fébrilité si la chambre de Martha est restée fermée ou non.
Au final c’est ce personnage de témoin, celui qu’interprète avec empathie Julianne Moore, qui sera capable au final de transcender la situation par ses propres mots. Mais c’est l’actrice qu’Almodovar avait déjà employée pour son court métrage "La Voix Humaine", Tilda Swinton, qui donnera tout leur poids aux mots, la structure du récit excluant progressivement des personnages secondaires prenant peu de place (le coach sportif, l’ancien amant, le flic borné…), donnant ainsi à un texte riche toute son ampleur. Bien entendu la direction artistique est comme toujours parfaite, avec ses mariages et contrastes de couleurs soutenues, offrant aux échanges entre les deux femmes un écrin ouaté, ainsi qu’un décor chaleureux pour s’interroger sur la part de vraie dans ce que perçoit Ingrid, qu’on rappellera être romancière.
Dans ce film particulier, ce sont les interrogations sur la mort et deux approches très divergentes de la fin de vie qui vont se faire face et parvenir à dialoguer peu à peu, au travers de paroles apaisées. Car à l’extérieur de ce lieu, comme le rappeler la fin du métrage, la morale rigide et le poids de la religion se font sentir, comme le rappelle la conclusion. Reste un nouveau grand numéro d’actrice pour Tilda Swinton, qui interprète ici non seulement Martha, dans ses doutes et regrets, mais aussi sa fille Michelle, à la forcément troublante ressemblance. Très cérébral, "La Chambre d’à côté" oscille intelligemment entre le drame et le thriller, limitant quelque peu l’émotion, mais confirmant le caractère intime du choix ici opéré.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur