LA CACHE

Un film de Lionel Baier

Une comédie intelligente, à la mise en scène originale

Christophe, 9 ans, observe la vie de sa famille au travers de l’appartement de ses grands parents, rue de Grenelle à Paris, alors que nous sommes début mai 1968…

Adapté du roman éponyme de Christophe Boltanski, "La Cache" a en réalité comme point de départ uniquement quelques pages de celui-ci, évoquant les événements de mai 68, alors que le livre couvre presque cent ans de son histoire famillale. S’ouvrant sur des images du livre, inspiré de son enfance, l’auteur, qui nous accompagnera ponctuellement, nous demande de croire à cette histoire, sur laquelle il promet une vérité qui dépend de notre regard autant que du sien. Au spectateur donc de faire le tri, entre moments fantasmés auxquels il a envie de croire et mensonges qui n’en sont peut être pas. Lionel Baier ("Les Grandes Ondes (à l'ouest)", "La Dérive des continents (au sud)") signe ici un film à la narration originale, qui assume le côté décors artificiels, et dont l'humour, parfois jaune, fait résolument mouche.

Après une scène posant la volonté des gens de croire en un peu n'importe quoi, avec une hallucinante patiente de son grand père médecin (Michel Blanc, dans son dernier rôle), persuadée que les Chinois mettent du métal dans le thé pour transformer les Français en radars humains (et au remède qui n’appartient qu’à elle), on a droit aux présentations des personnages : les grands parents, les oncles, les parents, et l'arrière grand mère, surnommée l'« arrière pays », qui écoute du Prokofiev et se languit de la ville d’Odessa (Liliane Rovère, 92 ans, la doyenne des agents dans la série "Dix Pour Cent"). Et peu à peu l'ambiance révolutionnaire des rues va se faire de plus en plus présente (explosions à l'extérieur, fumée sous le portail...), alors que le monde intérieur semble aussi se détraquer, chaque membre de la famille y allant de son engagement ou de ses craintes.

C'est ainsi avec un mélange de tendresse familiale et d'humour parfois tout enfantin, mais aussi une bonne dose d'élan vital, que vont se dénouer divers non-dits familiaux, en lien avec la Guerre de 40, avec l’antisémitisme, la délation, l'exil... Cela passera notamment par la découverte du rôle de la cache du titre, située sous un montant d'escalier, comme de cette cour où les voisins voient tout. Les choses vont donc se révéler, en reconstitutions ironiques, en flash-back, ou en élans de courage et gestes d’union, chacun prenant tout de même sa propre voie face aux événements en cours. Décrivant la famille comme « un grand corps » amené à se « disloquer », l'auteur trouve ici à son service une mise en scène inventive, entre split-screen, arrêt puis reprise du décor défilant derrière la voiture que conduit la grand mère, introduction surréaliste d'un visiteur, événement interdit dans la cour devenant communion émouvante, et voyage du grand père et de son petit fils pour clore le tout sur un message qu'il serait bon de rappeler à certains des puissants du monde d'aujourd'hui. Une belle comédie doublée d'une leçon d'humanité, que l'on aurait aimé retrouver au palmarès de la la dernière Berlinale.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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