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L'INFIRMIÈRE

Un film de Kôji Fukada

La fabrique d'un potentiel monstre

Ichiko, infirmière à domicile, travaillait auprès d’une vieille dame, dont la fille, sa fille et sa nièce, l’acceptaient comme elles l’auraient fait d’une proche de la famille. Mais lorsque la fille est enlevé et que le suspect n’est autre que le neveu d’Ichiko, qu’elle a elle-même présenté aux filles, elle se trouve suspectée de complicité d’enlèvement…

L'infirmière film

Le réalisateur japonais d’ "Harmonium", remarqué à Un certain regard en 2016, également sélection à Cannes en 2020 pour "Suis-moi je te fuis, fuis-moi je te suis", s'est offert une parenthèse entre ces deux drames, avec le troublant portrait d’une aide à domicile soupçonnée de complicité dans un enlèvement. Avec comme point de départ le simple lien familial qui l’unit à l’accusé (son neveu), il décortique tout en douceur l’engrenage qui instille le doute dans l’esprit de la plupart des personnes, comme en partie dans celui du spectateur.

En cette période où les associations militantes préfèrent harceler ou pointer du doigt, plutôt que de démontrer ou user de pédagogie, et où les médias se repaissent des moindres faits-divers sans se soucier des preuves, cette implacable démonstration pose avec tact la question des victimes collatérales, mais aussi de la fabrique de monstres. Avec la complicité d’une formidable actrice, dont la duplicité du personnage est suggérée par quelques allers-retours entre l’après (elle a changé sa coupe de cheveux pour entamer une étrange nouvelle vie…) et l’avant, l’auteur contact un thriller ouaté parfaitement maîtrisé.

Sans jamais vraiment s’intéresser au suspect principal, ni à la véracité des attouchements qu’il a pu perpétrer, le scénario préfère se concentrer sur les accrocs d’une trajectoire toute tracée alliant reconnaissance professionnelle, projets de mariage et déménagement, sœur en fuite inquiète à l’extrême, et proximité étroite avec ses patients. Avec quelques plans ou scènes marquants (la cigarette en premier plan qui adouci les soins, floutés en arrière-plan, la perception furtive de l’amas des médias depuis une voiture, le panoramique reliant regard du futur mari, télévision et infirmière prostrée, ou la séparation soudaine ce sont alternativement la confiance, la naïveté, l’inquiétude du personnage, qu’il exploite, avant de dévoiler sa nécessaire rupture, volontaire ou non, avec la famille pour laquelle elle travaillait, ceci lors de deux scènes remarquables autour de carrefours de circulation. Une excellente idée de mise en scène qui constitue deux points d’orgues au sein d’un film aussi feutré que saisissant.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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