L'AVENTURA

Un film de Sophie Letourneur

La perte du repère temps, comme en vacances

Synopsis du film

Sophie embarque en catastrophe sa fille Claudine, 11 ans, aux portes de l’adolescence, et son fils Raoul, 3 ans, et prend le train de nuit afin de retrouver Jean Philippe, qui les attend pour prendre le Ferry pour la Sardaigne, où ils vont plus ou moins improviser un circuit. Au fil de ce voyage, Claudine se remémore leurs aventures et les enregistre, quand la situation permet d’échanger avec sa mère et son beau père, c’est à dire lorsque Raoul ne perturbe pas trop les choses…

Critique du film L'AVENTURA

Après "Voyages en Italie", où le duo Philippe Katerine et Sophie Letourneur partait en Sicile (« pas vraiment l’Italie ») pour se réconcilier, voici que la réalisatrice reforme le même couple à l’écran pour ce second volet de ce qui sera une trilogie, avec deux enfants : Claudine, 11 ans, issue d’une union précédente et Raoul, 3 ans, venant de la liaison avec la « pièce rapportée ». D’emblée c’est le chaos qui semble régner, malgré l’organisation calculée (la manière logique d’organiser les valises…), le départ en train n’étant qu’un support à nous projeter lors d’un repas au restaurant où la fille tente de retracer le début du voyage, enregistrant les souvenirs et se faisant aider par les adultes pour se remémorer les moindres détails voire l’ordre des événements. C’est ainsi que seront évoquées la traversée en ferry, la première baignade à la plage, les problèmes de langue et de lit supplémentaire, une effraction et d’autres (non) événements.

Si "L’Aventura" paraît si naturel et parlera à tous, c’est que l’ensemble du casting est formidable et que le film est lui aussi basé sur des enregistrements faits par la réalisatrice. Mais c’est aussi parce que le métrage devient vite aussi chaotique que les souvenirs eux-mêmes, formant un vrac indémêlable, et qu’il met au même niveau tout ce qui arrive à cette famille recomposée. C’est ainsi qu’il nous fait volontairement perdre, dans sa structure même, la notion du temps, comme finalement lorsqu’on est soi-même en vacances. S’ajoute à cela le fait que chacun des personnages vit les moments de différente manière : la fille se sent reléguée au second plan face au fils, plus petit, la mère se sent mise à l’écart et stressée, le père se laisse aller trouvant injustes certains reproches… Une phrase d’ailleurs résume bien la sensation que l’on peut avoir lorsqu’on veut raconter ces souvenirs formés pourtant en groupe : « vous racontez de manière hyper partiale » !

Au fil de ce voyage fait d’allers-retours mémoriels, qui finit par nous faire douter que ce ne sont pas d’autres vacances (précédentes) qui sont ici racontées, ce sont aussi des sujets symptomatiques de la société contemporaine qui surgissent : capacité ou non à improviser, déconnexion, charge mentale, contrariété des envies immédiates… L’imaginaire de chacun des personnages concernant ce que peuvent être de « vraies vacances » se projette ainsi progressivement, à l’image de celui de Claudine, qui aimerait effacer son petite frère de la carte postale. Lumineux et finement dialogué, "L’Aventura" impressionne au final par son montage et le naturel de ses personnages.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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