L'ATTACHEMENT
Une œuvre sensible et bouleversante
Sandra, libraire quinquagénaire, accepte un peu à contre cœur de prendre chez elle le fils d’un jeune couple de voisins de palier, dont la femme vient de perdre les eaux. Tard le soir, le père, Alex, vient frapper à la porte en pleurs, pour récupérer Elliot. Comprenant tout de suite que la mère est décédée en couche, Sandra propose de le garder pour la nuit. Le lendemain, Elliot découvre sa petite sœur, Lucille, un jour…

Nouveau film de Carine Tardieu ("Du Vent dans mes mollets", "La Tête de maman"), "L’Attachement", passé par la section Orizzonti du dernier Festival de Venise, est un petit joyau de sensibilité et d’émotion retenue. C’est en effet avec un immense tact que l’autrice adapte le roman L’intimité d'Alice Ferney (2020), avec deux coscénaristes, et aborde la relation entre un garçon ayant perdu sa mère, Elliot, et la voisine d’en face, Sandra, compréhensive et un peu désarçonnée par l’intérêt que lui porte l’enfant, trouvant auprès d’elle une sorte de mère de substitution. Elle fait d’ailleurs du personnage d’Elliot, formidablement incarné par le parfaitement casté César Botti, un garçon à la fois intelligent, ayant de la répartie ou des avis tranchés (en voyant sa sœur il affirme avec aplomb : « elle est moche ») et capable de poser des questions. C’est ainsi par lui que l’on apprend qu'Alex n’est pas son père (« sauf que je suis pas son enfant »).
Sur les cendres d’un couple et la tristesse d’un père un peu perdu, va naître un attachement et une potentielle histoire d’amour à laquelle la protagoniste ne veut croire, car le père pourrait l’utiliser pour « faire son deuil » et surtout parce qu'elle n’a plus l’habitude que quelqu’un s’occupe d’elle. Étalée sur les deux premières années de la vie de la petite fille (dont les différents âges servent de chapitre), "L’Attachement" est avant tout porté par une actrice au firmament de son talent : Valeria Bruni Tedeschi, à la fois réservée et tranchante dans ce personnage dont l’épaisse carapace aura bien du mal à résister à l’enchaînement des événements. Une renaissance à l’amour et au contact avec les autres accompagnée par une jolie mise en scène, qui culmine lors d’une scène de soutien entre quatre femmes, ou quelques scènes douloureuses filmées avec distance à travers une porte vitrée. On en ressort tout juste bouleversé, avec la certitude que c'est dans le lien avec les autres qui fait sens, quelles que soient les plumes qu’on doit parfois y laisser.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur