L'AGNEAU
Calomniez, il en restera toujours quelque chose
Le père Paul administre sa paroisse en faisant de son mieux pour former les jeunes esprits et venir en aide à ses ouailles. Il tente notamment de remettre de l’ordre dans une famille dont le père est accusé d’avoir pratiqué des attouchements sur sa fille cadette. Jusqu’à ce qu’il soit lui aussi accusé d’attouchement sur la fille aînée…

Après avoir évoqué l’attentat de Saint-Étienne du Rouvray dans sa précédente réalisation, "Que notre joie demeure", Cheyenne Carron se penche sur le dossier des agressions sexuelles au sein de l’Église catholique. Elle retrouve ainsi le thème de la foi qui traverse la plupart de ses œuvres, mais aussi le thème de l’injustice, récurent chez la cinéaste. Car les accusations d’attouchements ou de viol sont légions, et n’existe-t-il pas parmi eux quelques affabulateurs ? Raconter une fausse accusation de délit sexuel tout en respectant la parole des vraies victimes s’apparente à un jeu d’équilibrisme. Mais on sait la capacité de la réalisatrice à traiter un sujet si épineux avec intelligence et sensibilité.
Pour incarner le premier rôle, Johnny Amaro réendosse la soutane, comme il l’avait déjà fait dans "Je m’abandonne à toi", également réalisé par Cheyenne Carron. Un prêtre présenté comme tolérant, mesuré, à l’écoute, qui mène son troupeau non pas au bâton mais par la douceur et les caresses, reflétant l’image d’une Église catholique apaisée et qui fait face à ses démons. Car c’est en acceptant ses erreurs passées que celle-ci peut se préparer un meilleur avenir. Tout au long du film on ne peut s’empêcher de penser aux nombreuses affaires judiciaires dans lesquelles l’église à été mise en cause. Notamment aux affaires longtemps étouffées par le cardinal Barbarin, qui se retrouvent au centre du film de François Ozon "Grâce à Dieu". Cheyenne Carron nous montre les prêtres suivant des formations pour prévenir et savoir répondre aux délits d’ordre sexuels, symbolisant une volonté de l’église de désormais prendre ces sujets à bras le corps.
Toute la première partie du métrage est consacrée à dresser le portrait de cette nouvelle église, qui est probablement davantage l’église qu’on voudrait qu’elle soit que l’église telle qu’elle est ou fut réellement. Le véritable enjeu, qui concerne l’accusation qui pèse sur le protagoniste n’arrive que relativement tard. De ce fait, la transformation que ces accusations entraînent chez celui-ci n’est guère approfondie. On sent poindre des thématiques comme la crise de la foi, la solitude face à l’injustice ou l’impossibilité de se laver de telles accusations. Mais aucune n’est traitée en profondeur et le scénario nous laisse avec le sentiment qu’il manque soit une direction claire, soit une demi-heure de film.
Benjamin BidoletEnvoyer un message au rédacteur