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L’AFFAIRE COLLINI

 

Pour : Jugement à Berlin

Un jeune avocat prend en charge la défense de Fabrizio Collini, un homme mystérieux qui vient de tuer Hans Meyer, un industriel allemand. Son client refusant de lui parler, il devra enquêter lui-même sur leurs parcours respectifs. Il découvrira alors le passé de Meyer pendant la 2nde Guerre Mondiale et ses agissements contre le père de Collini, ce qui inversera le cours du procès…

L'affaire Collini film

Il ne faut pas s’y tromper, "L’affaire Collini" portée par Franco Nero en personne, n’est pas une nouvelle histoire de mafias. Ce titre en apparence simpliste est trompeur, car s’il nous propose bien de suivre le procès Collini, celui-ci se transformera finalement en affaire Meyer. Les premières scènes nous orientent de la même manière en introduisant un monstre potentiel : Fabrizio Collini, qui apparaît de dos dans un hall d’hôtel, laissant des traces de sang à chacun de ses pas. Nous le retrouverons ensuite dans le sous-sol caverneux d’un tribunal, où notre avocat débutant fera sa rencontre dans la pénombre. Un moment qui fait écho à l’entrevue glaciale de Clarice Starling (Jodie Foster) avec Hannibal Lecter (Anthony Hopkins) dans "Le silence des agneaux" (1991). Plus tard, dans la salle d’audiences, Collini sera d’ailleurs lui aussi enfermé derrière de grandes vitres transparentes, celles du box des accusés. En revanche son comportement mutique l’éloigne du bavard docteur Lecter et le rapproche plutôt du mutique docteur Ernst Janning, juge du IIIème Reich interprété par Burt Lancaster dans "Jugement à Nuremberg" (1961). À la différence près que ce n’est pas le nazi qui est jugé ici, mais sa lointaine victime.

Ce film est passionnant grâce à sa mise en scène classieuse et son sens du rebondissement, même si ses ficelles sont particulièrement grosses. En effet on remarquera que ses coups de théâtre reposent entièrement sur le manque d’information total et en même temps étrange du protagoniste. Il ne cessera d’aller de découvertes en découvertes, ce qui est bien pratique pour surprendre le spectateur du même coup ! Au départ il ne connaît pas l’identité de la victime de l’accusé qu’il va défendre. Il ignore tout de ses responsabilités militaires, mais aussi du procès qui l’a innocenté par le passé. Il se trouve alors pris malgré lui dans une affaire politique extrêmement délicate, dont on peine à croire qu’elle ait pu être laissée entre les mains d’un avocat débutant (mais peut-être était-ce délibéré). Et si on ajoute à tout cela ses liens personnels avec la victime et sa famille, qui rajoutent un joli cas de conscience à l’ensemble, on se dit que c’est tout de même un peu facile. Et pourtant, cela fonctionne…

[Attention Spoilers : la suite du texte dévoile l’essentiel de l’intrigue pour mieux en saisir le sens politique – à lire donc de préférence après avoir vu le film]

En effet nous découvrirons rapidement que le riche industriel tué par Collini est un ancien chef militaire allemand qui a sévi durement en Italie pendant la guerre. En l’assassinant, Collini s’est en réalité vengé tardivement de l’exécution de son père, dont il a été le témoin direct pendant son enfance. La défense de son avocat se concentrera dès lors sur cet élément, faisant ainsi basculer le procès en inversant les rôles : le criminel est finalement la victime de sa victime. Le camp de la défense se trouve dès lors moralement renforcé en plaçant le curseur sur le terrain a priori inattaquable de la dénonciation des heures sombres. Se faisant, une nouvelle problématique apparaît cependant : Collini a de toute évidence tué Meyer, il ne le conteste pas, mais ce faisant n’a-t-il pas simplement exécuté une peine en se substituant à des tribunaux impuissants à le condamner. En effet nous apprendrons que Collini avait déjà eu à faire à son adversaire en justice des années plus tôt, mais que celui-ci avait été débouté de ses crimes grâce à l’invocation d’une loi qui lui aurait permis d’échapper à son sort. L’enjeu s’élargit donc et se politise, avec la mise en cause du système politique et juridique de l’Allemagne d’après-guerre, qui aurait protégé les criminels de guerre.

Comme nous le voyons à chaque étape, de nouveaux éléments font surface, au grès de l’enquête menée par le personnage central qui se rendra jusqu’en Italie pour trouver les réponses que son client silencieux refuse de lui apporter. S’ajoute pour lui une dimension personnelle : il se trouve être l’ancien protégé de Meyer, qui l’a élevé comme son fils sans jamais lui révéler son passé. Il vit également une relation avec la fille de ce dernier, qu’il connaît depuis l’enfance. C’est donc l’affaire d’une famille qui voit réapparaître un passé étouffé et qui se trouve confronté au dilemme de sa dénonciation. Soit précisément le même enjeu que celui de "Music Box", de Costa-Gavras, où Jessica Lange jouait une avocate chargée de défendre son père accusé à juste titre d’être un ancien nazi, ce qu’elle finira par découvrir.

David ChappatEnvoyer un message au rédacteur

Contre : quand une mauvaise idée scénaristique vient tout gâcher

Si "L’affaire Collini" a le mérite, en adaptant le roman éponyme de Ferdinand von Schirach, inspiré de l'histoire vraie de Friedrich Engel, officier SS (alias « le bourreau de Gênes ») jugé à Hambourg en 2002, de poser la question du droit à la vengeance lorsque la loi ne permet pas de condamner un coupable. En relatant l’assassinat de celui qu’on devine aisément comme étant un ancien nazi, et en menant son récit vers la remise en cause d’une loi (la loi Dreher de 1968, créant une sorte d’amnistie déguisée, laissant impunis nombre de criminels nazis), la forme de ce film, et surtout l’ajout malheureux d’éléments à l’histoire de achèveront d’irriter le spectateur le plus attentif.

En effet, comment croire une seconde à cette intrigue lorsque l’avocat (Casper, diplômé depuis seulement 3 mois) qui se retrouve chargé de défendre Fabrizio Collini, l’homme qui a assassiné l’industriel Hans Meyer, homme avec lequel il se trouve en fait avoir non seulement un lien personnel (grand père de son meilleur ami, qui l’a traité comme s’il était de la famille…) mais avec la petite fille duquel il a eu une liaison. Deux mauvaises idées des scénaristes, insistant lourdement sur cet aspect, et qui avaient pourtant dans les mains une histoire en or qui pouvait se suffire à elle même sans rajouter un dilemme impossible et une historie d’amour contrariée, tout en se moquant au final complètement de la notion de déontologie liée au métier d’avocat.

Certes les plans sont particulièrement travaillés, notamment au niveau des coloris (le vert pour la morgue par exemple…), mais beaucoup finissent par sembler gratuits (comme le survol du bateau…). De même les effets sonores pour marquer la « surprise », le soulignage ridicule de certains rebondissements attendus en audience, comme le jeu poseur de l’acteur principal, Elyas M'Barek (vu notamment dans "La Vague" et globalement plutôt convaincant), quand il s’agit d’avoir soudain une idée, achèvent de faire sombrer l’œuvre dans la presque parodie, malgré un sujet de fond de grande importance. On ressort de la séance avec un réel sentiment de gâchis.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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COMMENTAIRES

Bil

lundi 6 juin - 2h08

Une plongée d'une énergie profonde dans les aphres du passé. Porté par un déroulement de faits savamment posés . Je ressor de cette séance conquis et vous invite à le découvrir.

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