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KEEPER

Un film de

Réaliste, neutre, plat…

Maxime et Mélanie ont 15 ans et sont amoureux. Mais un jour, la jeune fille réalise qu'elle est enceinte de Maxime. Les deux adolescents vont devoir affronter cette situation ensemble tout en gérant les diverses pressions qui apparaissent alors. Une expérience qui pourrait bien tout changer dans leur vie tranquille d'ados belges…

C'est avec une certaine déception que l'on sort de la salle après avoir vu "Keeper". En effet, le film de Guillaume Senez portait de belles promesses en s'attaquant à plusieurs sujets de société comme l'avortement, l'adoption ou encore les mères adolescentes. Des sujets qu'il est particulièrement intéressant d'évoquer alors que la société est en pleine mutation et que la parentalité et l'hypersexualisation des adolescents font l'objet de profonds débats moraux. Et c'est là que réside le principal problème du film, il ne lance pas franchement de débat.

En effet, Senez a voulu que "Keeper" ne soit pas un film à message ou prenant position sur son sujet, mais davantage un long-métrage retranscrivant la réalité de la manière la plus neutre et réaliste possible pour que le spectateur puisse se faire sa propre opinion. Noble initiative, mais à quoi bon ouvrir un débat sur un sujet déjà largement abordé et sur lequel tout le monde a déjà plus ou moins une opinion. On voit tout à fait l'intérêt de faire un film afin d'attirer l'attention sur un thème dont les gens ne se préoccupent pas. Pour un cinéaste, c'est une manière d'ouvrir un débat, en jetant un pavé dans la mare, et de soulever des questions que ne se pose pas naturellement le spectateur. Or, la plupart des sujets abordés dans "Keeper" ont déjà été largement débattus et sont plutôt bien connus du grand public. On pourrait se dire que cela n'a que peu d'importance si le film adopte un angle d'attaque intéressant permettant de faire passer un message, un avis ou une opinion.

Seulement voilà, comme nous l'avons déjà dit, Guillaume Senez n'avait pas du tout pour projet de faire un film véhiculant un message ou une opinion. Tout ceci fait de "Keeper" un film plat et sans enjeu puisque chaque opinion exprimée par un des personnages est "compensée" par celle d'un autre. Quand l'assistant social dit à Mel que le choix lui appartient, la mère de cette dernière lui dit qu'elle est trop jeune pour vraiment savoir ce qui est le mieux pour elle. Quand le meilleur ami de Maxime lui dit que ce bébé est une bonne chose et qu'ils vivront heureux lorsque Max sera footballeur pro, le coach dit au jeune homme qu'il ne deviendra jamais pro à cause des nouvelles responsabilités qu'il va devoir assumer. Et c'est comme ça du début à la fin. Si bien qu'arrive un moment où l'on ne voit plus trop où s'en va le film. On cherche, avant de se rendre compte que la réponse est "nulle part". Petit à petit "Keeper" perd son spectateur qui finit par trop se détacher des personnages pour être ému par cette histoire finalement assez banale.

D'ailleurs, la volonté de neutralité et de réalisme du réalisateur se ressent dans l'esthétique du film. Le cadre est instable, l'éclairage recrée une lumière naturelle, bref, il y a ce côté documentaire que l'on retrouve dans des films comme "Fighter" ou "The Wrestler". Une manière de signifier au spectateur que ce qu'il voit est la réalité, sans les artifices du cinéma. Finalement, il manque une vraie histoire forte et captivante, une histoire cinématographique. Tout ce réalisme et ce refus de s'engager retirent à l'œuvre tout le relief qu'elle aurait pu avoir.

Le film comporte toutefois quelques bonnes scènes lorsque Senez abandonne son ultra-réalisme pour ajouter une musique extra diégétique à une image légèrement plus stylisée. Ajoutez à cela le jeu de Kacey Mottet Klein (à l'affiche aussi dans « Quand on a 17 ans ») et de Galatéa Bellugi et vous obtenez les quelques rares séquences où le film devient vraiment beau et plaisant à regarder. Il faut d'ailleurs souligner la performance des deux jeunes acteurs – à surveiller dans les années à venir – très convaincants dans des rôles pourtant loin d'être faciles. Un point très positif dans un film restant malgré tout assez décevant.

Adrien VerotEnvoyer un message au rédacteur

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