KAAMELOTT – DEUXIÈME VOLET, PARTIE 1

Un film de Alexandre Astier

On en a gros !

Synopsis du film

Ayant réussi à reprendre le dessus sur son pire ennemi Lancelot du Lac après des années d’errance, Arthur Pendragon a retrouvé sa position de dirigeant du royaume de Logres. Mais son choix d’avoir épargné Lancelot au lieu de l’éliminer n’a pas été sans effet : il doit désormais affronter la colère des dieux auxquels il a désobéi, et une étrange menace surnaturelle semble planer sur les ruines de la forteresse de Kaamelott. Pendant ce temps-là, une nouvelle Table Ronde a été installée, poussant ainsi chacun de ses jeunes chevaliers à accomplir un fait d’arme glorieux…

Critique du film KAAMELOTT – DEUXIÈME VOLET, PARTIE 1

Comme il aimait récemment à le souligner lors d’une interview menée par un confrère, Alexandre Astier estime qu’il y a deux types de fans de "Kaamelott" : ceux qui aiment l’univers élaboré par son créateur (et qui, donc, sont ouverts à la surprise et au fait que tout ne soit pas gravé dans le marbre), et ceux qui se bornent à réclamer une réitération de ce qu’ils connaissent déjà (au risque de se braquer s’ils n’obtiennent pas satisfaction). On aurait bien aimé profiter de l’occasion pour suggérer l’existence d’un juste milieu entre le chemin de traverse et le fan-service, mais en sortant de la salle, on a vite rendu les armes devant un résultat dont on ne voit franchement pas comment il serait capable de satisfaire les deux parties. De là à retourner notre veste sur le jugement plutôt enthousiaste qui avait accompagné notre découverte du premier volet cinématographique de "Kaamelott", il n’y a qu’un pas. Mais les faits sont là : ce deuxième volet ne recherche ni la nouveauté (ou alors infinitésimale et plus frustrante qu’autre chose) ni la recette gagnante (ou alors resservie sous forme de nourriture rassie coincée entre deux pages de scénario), mais la redite mollassonne de tout ce qui a déjà été développé en amont et qui, à l’instar d’une blague ressassée en boucle à chaque nouveau repas de famille, finit par taper sur le système. À un personnage près (dont on aurait largement préféré suivre les aventures en solo), toute la bande à Astier est revenue ici faire du surplace. Dire qu’on en a gros est un sacré euphémisme.

À quoi pouvait-on logiquement s’attendre après qu’Arthur Pendragon a repris le royaume de Logres à un Lancelot de plus en plus buté et pathétique ? Évidemment à la remise en fonction de l’ordre arthurien et à un revival aventureux de l’inévitable quête du Graal, avec tout ce que cela supposait de péripéties mouvementées, de situations décalées, de personnages gratinés et de punchlines argotiques en mode « rien à carrer des dieux et des légendes ! ». Pas de bol : le récit, loin de chercher à innover et à stimuler par cet « appel à l’aventure » vanté par son affiche mensongère, nous téléporte illico presto dans l’antique configuration du Livre V. Soit un monde plus instable que mouvementé, où le roi Arthur se désintéresse de tout et replante Excalibur pour la énième fois, où ce couillon mal fringué de Lancelot végète encore tel un zombie dans des ruines sombres (en compagnie de ce grand encapuchonné de Méléagant qui revient mettre son grain de sel dans l’équation), où Bohort continue de chouiner devant le chaos ambiant de la chevalerie locale, où le couple Seli/Léodagan reste égal à lui-même (elle insulte tout le monde, il râle sur tout le monde), où les enchanteurs Merlin et Elias ne cessent de se chercher des noises en rivalisant de mauvaise foi, où Karadoc s’énerve pour un rien quand il ne bouffe pas, où (ce qui reste de) la Dame du Lac persiste et signe dans le registre de l’amazone clodo, où Anna de Tintagel se la joue sorcière gothique à deux sesterces, etc.

Avec ce genre de configuration grillée en à peine une demi-heure, on guette vite le double piège dans lequel on s’est fourré. D’abord celui de la redite pure et simple, se bornant à étirer inutilement la durée d’un banquet alléchant pour ne ressasser en fin de compte que des plats réchauffés et déjà digérés, en particulier une vague de gags repris tels quels d’anciens épisodes de la série, et surtout un tsunami de disputes non-stop qui suintent la cacophonie stérile quand elles ne nous donnent pas l’impression qu’aucun de ces personnages que l’on a tant aimé n’a pu ne serait-ce qu’évoluer ou tout du moins nuancer son schéma interne. Ensuite celui de la jeunesse, érigée ici en nouvel espoir d’un nouvel ordre arthurien face à des « anciens » qui campent sur leurs pires acquis en surjouant dans des décors vides (la prestation ô combien lamentable d’Anne Girouard se passe de commentaires). Sauf que la totalité des « jeunes recrues », ici incarnées par des recalés de l’actorat qui récitent leur texte en ayant la tête ailleurs, ne dégagent ni charisme ni puissance de frappe par rapport aux têtes pensantes de l’univers d’origine. En gros, quand les vieux restent assis à ne rien faire, les jeunes partent on ne sait pas où sans savoir quoi faire. Et tout le monde hérite systématiquement du même sobriquet : ici, il n’y a que des cons. On devrait s’en amuser, on tire juste la tronche en serrant les dents. Comme Arthur, au fond.

La trop grande multiplicité des personnages secondaires n’aide d’ailleurs pas à rééquilibrer l’affaire : certains d’entre d’eux disparaissent aussi vite qu’ils sont rentrés dans l’action, sans qu’on n’ait jamais le temps de s’y attacher, avec en guise d’épicentre un roi Arthur qui se la joue satellite je-m’en-foutiste à n’en plus finir. Les enjeux du récit s’y diluent fatalement en plus de flouter lamentablement l’arrière-plan (ou même le hors-champ potentiel) d’une grande aventure qui se voudrait épique et rythmée là où elle n’est que ronflante et arythmique. Que la photo soit belle, les mouvements de caméra soignés et la musique orchestrale composée avec soin ne constitue ni une compensation ni un critère en soi. Car au terme de ces deux heures et quart durant lesquelles il ne se passe pratiquement rien s’exhibe soudain plein pot l’autre gros défaut matriciel de cette première partie… qui réside justement dans le fait de n’être qu’une première partie ! En effet, là où le premier volet avait au moins la décence de s’achever sur un joli montage musical amorçant l’évolution future de chacun des destins développés tout au long de son intrigue (ce qui suffisait à en faire une solide expérience introductive en soi), cette Partie 1 du Volet 2 est un film sans climax ni pic émotionnel, où le générique tombe in fine sur l’écran alors qu’aucune boucle narrative ne s’est fermée, et ce sans qu’aucune des dix ou quinze trajectoires humaines installées n’ait pu un tant soit peu justifier sa raison d’être.

Au-delà du fait de contraindre le spectateur à sortir de la salle avec une forte sensation d’escroquerie en travers de la gorge (et donc de regretter qu’Astier ne lui ait pas fait payer demi-tarif pour ce qui n’est clairement qu’une moitié de film), cela nous amène surtout à un véritable cas de conscience, histoire de mieux cibler (et en prenant peut-être un peu d’avance) le problème majeur de la démarche initiale d’Astier à avoir souhaité transposer l’univers de "Kaamelott" au cinéma. En effet, au lieu d’avoir fait l’effort de transcender le matériau d’origine par une multiplicité de points de vue entrelacés et par une mise en scène élargissant le cadre réduit de la série par un horizon narratif et géographique des plus attractifs, le chef d’orchestre a hélas choisi la solution de facilité, visant à alterner quelques jolis plans d’extérieurs (avec beaucoup de silhouettes qui marchent dans des paysages majestueux en Scope) avec un trop grand nombre de plans serrés (avec que des guignols qui s’agitent en vain dans un espace trop restreint), le tout avec des intrigues constamment élaborées en montage parallèle qui se croisent sans jamais se répondre les unes aux autres. Faute de rythme et de maîtrise, cette logique narrative lourdement télévisuelle prouve bien qu’entre faire du cinéma et « faire cinéma », Alexandre Astier a clairement fait le mauvais choix. Cela n’augure absolument rien de bon pour la suite de son odyssée arthurienne, dont on avoue d’ailleurs avoir subitement perdu la motivation à la prolonger.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

BANDE ANNONCE

À LIRE ÉGALEMENT

Laisser un commentaire