JOUR DE COLÈRE

Un film de Jean-Luc Herbulot

Fuite impossible

Lassé de son activité de tueur, Frank a prévu un plan pour rompre avec son employeur César et s’enfuir avec Anna, la femme qu’il aime. Mais lorsqu’il croise la route d’un certain Virgil, c’est le début des ennuis : sous ses airs de jeune étudiant timide, l’individu est un sociopathe bien décidé à lui faire vivre l’enfer…

Parmi tous les cinéastes armés de l’envie de signer du cinéma de genre en toute liberté sans chercher à rentrer dans un quelconque moule créatif, le cas de Jean-Luc Herbulot est décidément aussi intriguant que déroutant. Sa nouvelle tentative – fruit d’une coproduction entre l’Italie, la Belgique et la France – enfonce davantage le clou : après le très raté "Dealer" et le très réussi "Saloum", Herbulot poursuit ainsi son petit bonhomme de chemin, assimilable à une errance parmi les sentiers les moins balisés de la série B à petit budget et du mixage de genres plus ou moins harmonieux. Et cette fois-ci, le résultat retombe hélas dans les travers du ride vénère qui se rêverait plus grand qu’il ne l’est, jouant sur une progression kamikaze qui aurait eu davantage d’impact dans une structure de moyen-métrage. Sans trop en dévoiler sur la finalité réelle du scénario, l’ultime dérivation d’un récit jusqu’ici très sec et carré vers le surnaturel à fond les ballons traduit davantage une perte de repères qu’un désir de jouer avec les attentes du spectateur, et ce parce que tout ce qui précède cette rupture s’en tient à une mécanique de thriller qui fait du surplace. Ou comment une ambition séduisante de film hybride sur le thème de la possession (au propre comme au figuré) se mange une belle sortie de route.

Certes, à l’instar de certains thrillers belges ou français, on sent quand même la recherche d’une ambiance sombre et glaciale, renforcée par la prédominance de décors déserts ou délabrés sur une large partie du récit. Sauf que l’image, à force d’être systématiquement sombre et de faire écran de fumée sur la topographie des lieux visités, en vient à exhiber plein pot les carences budgétaires de la chose et les ridicules portions de route sur lesquelles les scènes de trajet en voiture (et il y en a !) ont probablement dû être tournées. Le verdict est le même en ce qui concerne tous ces petits détails visuels ou narratifs qui servent autant que possible la gestion du suspense. Hormis deux ou trois cauchemars grotesques de JoeyStarr (mâchoire carrée, regard figé, peu crédible), l’exemple le plus parlant reste cette étrange fixette que fait le réalisateur sur les œufs durs que le sociopathe du récit (Joaquim Fossi, seul point fort du casting) ingurgite à loisir durant ses premières scènes. Cela devrait rendre le personnage encore plus inquiétant qu’il ne l’est, mais non : à l’écran, on voit juste un type qui mange des œufs durs, point barre. Et ce ne sont pas quelques mini-fulgurances (un accident de voiture par-ci, un petit montage stressant par-là) qui viennent relever le niveau. Quant à Asia Argento, elle n’a ici rien à défendre en tant qu’actrice, sa présence tenant lieu de figuration. Parler de gâchis n’est pas exagéré.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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