JOUER AVEC LE FEU

L'incapacité à parler aux extrêmes

Villerupt, de nos jours. Pierre, au métier fatiguant, tente d’élever au moins ses deux fils. Alors que Louis, le plus jeune des deux, s’apprête à rentrer à Science Po à la Sorbonne à Paris, Pierre aperçoit son frère Fus, l’aîné, qu’il emmène au football, avec une bande aux crânes rasés. Il apprend de plus que celui-ci a été aperçu avec ce groupe d’extrême-droite, alors qu’ils arrachaient des affiches. Cherchant à comprendre, il regarde sur internet, découvrant un profil de réseau social de Fus qui ne laisse aucun doute sur ses fréquentations…

Projeté en compétition au dernier Festival de Venise, "Jouer avec le feu" aura valu à Vincent Lindon le Prix d'interprétation masculine. Un prix un peu étonnant, non pas que l'acteur qu'on aime n'incarne pas avec force ce père désarçonné, mais car l'un des problèmes principaux du métrage vient justement d'une scène clé avec ce personnage. S'il peut paraître un peu trop direct dans sa manière de confronter pour la première fois son fils, Fus, le reste de son parcours lié à son incompréhension des inclinaisons racistes, violentes et idéologiques de cet aîné, renvoie intelligemment à la fois à l'éducation que lui et la mère disparue ont voulu lui inculquer. Le problème en réalité, vient d’un discours prononcé en plein tribunal, censé être un témoignage et non une tribune politique, qui semble à la fois peu crédible dans ce contexte, mais qui surtout est symptomatique des discours désormais inutiles, car non audibles par ceux qui se laissent tenter par l’extrême droite.

Si on ne répondra bien évidemment pas à la question « comment parler aux extrêmes », on se dit là que les scénaristes, avec ce discours, se fourvoient en pensant que celui-ci va changer quelque chose, et les dernières élections en France, comme les campagnes électorales, en France comme aux États-Unis, l’ont bien montré. À vouloir faire passer les messages par un discours sentencieux, "Jouer avec le feu" en oublie au final ce qui faisait sa force : montrer par l’image et par des personnages forts, les rouages et les égarements d’un embrigadement. Si la mise en scène a parfois quelques coups de mou (le nouveau passage avec des silhouettes qui dansent, sans réelle tension), restent tout de même deux jeunes interprètes remarquables, qui incarnent deux frères s’émancipant de la figure supérieure du père, pour trouver chacun son chemin, sans éviter les frictions. Benjamin Voisin impressionne dans le rôle d’un Fus borderline, facilement colérique, que l’on sent prêt à exploser. Mais c’est surtout Stefan Crepon, qui confirme qu’il est l’un des acteurs les plus prometteurs du moment, dans le rôle de Louis, plus réfléchi mais aussi disposant de plus de facilités et donc de moyens de s’échapper d’un milieu ou d’un lieu.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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