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JE SUIS TOUJOURS LÀ

Un film de Walter Salles

Un émouvant portrait d’une mère protectrice

Rio, au début des années 70, pendant la dictature militaire. La famille Paiva, composée des parents, de quatre filles et d’un garçon, subit comme tout le monde la pression des autorités, alors que l’ambassadeur de Suisse, après celui d’Allemagne, ait été enlevé. Malgré les fouilles musclées et la présence des militaires, leur maison près de la plage continue à accueillir des amis et reste un lieu d’échanges et de complicité. Mais un jour, alors qu’ils s’apprêtent à envoyer l’aînée, Veroca à Londres, et que Rubens, le père, ancien député socialiste, cherche à rouvrir une librairie et une maison d’édition, des hommes débarquent pour emmener celui-ci pour une déposition, alors qu’une fouille a lieu à la maison. Un matin c’est ensuite la mère, Eunice, à un du régime viennent arrêter, le père de famille, qui disparaît sans laisser de traces. ma femme Eunice et l’une des filles qui est emmenée et interrogée…

Le metteur en scène brésilien Walter Salles ("Central do Brazil", "Carnets de voyage") n’avait rien réalisé depuis "Sur la route" en 2012, en dehors d'un documentaire sur le cinéaste chinois Jia Zhang-Ke (2014). Voici que débarque sur les écrans son nouveau long métrage de fiction, "Je Suis Toujours Là", dénonciation en règle des méthodes autoritaires d’un régime au bord de la dictature, entre tortures et disparition des opposants. Un film intense, dont le scénario, co-signé par Murilo Hauser et Heitor Lorega, a été primé au dernier Festival de Venise, alors qu’on attendait sa formidable actrice principale, Fernanda Torres, au palmarès. Adaptation du livre éponyme du fils du protagoniste, Marcelo Rubens Paiva, écrivain, ce film poignant est en effet avant tout le portrait d’une épouse et mère, tentant de protéger ses enfants de la réalité, alors qu’elle recherche son mari disparu.

Choisissant de montrer le contraste entre un foyer bouillonnant, où interagissent dans une certaine complicité, le père ancien député socialiste avant la dictature, la mère, et leurs 5 enfants (4 filles et 1 garçon), et un régime omniprésent, assurant fouilles arbitraires, comme contrôle de la presse et des publications, il pose d’emblée le régime en opposition aux notions de joie, de festivité et de libres échanges. Articulant ces moments heureux, où la pression se fait sentir par petites touches, ce sont les scènes d’interrogatoire et de séquestration de la mère qui servent de pivot vers une implication courageuse de celle-ci dans la recherche de son mari, qui n’est pas réapparu. Ces moments, particulièrement durs dans leur contexte, où Salles joue avant tout sur la suggestion (cris dans le couloir, sang au sol, respirations…), permettent de transformer le personnage, par une simple scène à la portée symbolique, où elle se lave frénétiquement. Une sorte d’écho à l’utilité de ce film, certes classique dans sa forme, pour mieux exorciser les vieux démons d’un pays aujourd’hui démocratique, mais comme beaucoup flirtant par moments avec des forces totalitaires.

Se concentrant sur le personnage de la mère, son récit permet d’en développer le caractère posé, de mettre en avant son stoïcisme, le scénario alternant dans sa deuxième partie entre recherche de la vérité et tentative de protection des enfants, y compris de celle partie vivre à Londres peu avant l’arrestation. Interprétée par Fernanda Torres, formidable de droiture et de combativité, cachant ses émotions, tentant de résister aux pressions, capable de révolte comme de profonde compréhension, c’est dans ses interactions avec d’autres familles qu’on peut lire ponctuellement sa détresse. Enjambant à différentes reprises plusieurs décennies (un passage en 1996, une réunion de famille en 2014), le récit permet à la mise en scène de Walter Salles d’entretenir une émotion toujours sur le fil du rasoir, évitant toute effusion, et préférant se concentrer sur le ressenti de la famille et notamment des enfants ayant grandi. Et même si l’on peut juger sa deuxième fin peu utile, on ressort néanmoins de la projection de "Je Suis Toujours Là" la gorge nouée, marqué par les images d’une unité familiale traversant les années, et de la solitude d’une mère qui aura porté sa cohésion sur ses épaules pendant des années.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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