JACQUES

Un isolement volontaire, loin du monde

Jacques Duhoux, pionnier dans l’exploration du grand nord canadien dans les années 70-80 a décidé il y a bien longtemps de s’installer dans une maison isolée au fond des bois, dans un secteur qu’il a découvert lors d’une expédition en 1983. Là, à 85 ans, il écrit aux gens qu’il connaît, demande à se faire ravitailler, fait de grandes marches en raquettes en forêt, admire les œuvres d’art autour de sa maison…

Ce documentaire s’ouvre sur une citation de son protagoniste, datant de 1978 : « je refuse une vie d’esclave, je veux une vie dans laquelle je suis libre ». S’ensuit une scène où il apporte une lettre, faisant une liste de courses, loin de son chalet, dans une boîte aux lettres recouverte de neige. Une scène qui en soi, vient déjà contredire la citation, l’homme, si coupé du monde moderne et de la technologie, étant bel et bien dépendant de celui-ci pour son ravitaillement. Sans commentaire, ce documentaire, rend hommage au passé d’aventurier de l’homme, revenant de manière fragmentée sur quelques expéditions (par des bouts d’interviews, des photos, de vieux films…), tout en éclairant rapidement son dégoût de l’humanité par son passage en Afrique, témoin du conflit impliquant les Tsutsi (oà on lui a dit alors de « ne pas confondre sentiments et diplomatie »), mais en maintenant en fond sa vie d’homme vieillissant qui n’est « pas dans le monde » mais ne se considère pas pour autant comme un « ermite ».

Sans questionner le moins du monde la réplicabilité de ce mode de vie (imaginez l’état de la nature si tout le monde avait sa grande propriété ainsi au milieu de la forêt), Lysandre Leduc-Boudreau se concentre sur la persévérance de Jacques, alors que celui-ci vieillit et perd un peu de son dynamisme (« je vais pas changer ma vie en fonction d’une peur »), présentant d’abord la joie que lui offrent ces lieux, lui-même s’étant inventé en extérieur un « cinéma maison », une « télé-réalité », et quelques œuvres symboliques (hélice de bois, œil de pierres…), insistant cependant vers la fin sur des gestes devenus difficiles avec l’âge (la lenteur pour mettre ses gants et ses raquettes…). La dimension sacrificielle est aussi au rendez-vous, avec cette compagne avec laquelle il n’a pas vécu, ces nombreux amis qu’il rejoint ponctuellement pour une célébration, mais la beauté de ses lettres, reconnue par ses connaissances ou soulignée visuellement à l’écran, montre son lien persistant avec un bout du monde, dont il a choisi de se retirer, et donc la nécessité du contact humain.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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