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L'INSULTE

Un film de Ziad Doueiri

Un efficace appel à la réconciliation

A Beyrouth, une querelle éclate entre un contremaître palestinien (réfugié au Liban) et un mécanicien affilié au parti chrétien du Liban pour une histoire de gouttière non conforme. Une parole de travers renvoyant à la souffrance d’un peuple transforme ce différend privé en affaire politico-médiatique…

Le Liban et particulièrement sa capitale sont, depuis les bombardements et les agissements de Daesh en Syrie, en proie à une crise migratoire majeure. Dans ce territoire, considéré comme le plus multi-culturel et pluri religieux du Moyen-Orient, plus de deux millions de réfugiés syriens et environ cinq cent mille palestiniens dépossédés d’Etat y sont recensés. Même si le quatrième film de Ziad Doueiri n’évoque qu’à demi-mot la crise syrienne, il est palpable qu’il s’agit d’une goutte d’eau de plus attisant le ras-le-bol des Libanais dont Toni, mécanicien, fait partie.

Le réalisateur de « West Beyrouth » déploie ici toute la force d’un captivant thriller judiciaire filmé avec nervosité et interprété avec vigueur par les deux têtes d’affiche que sont Adel Karam et Kamel El Basha. La structure suivant l’effet boule de neige de l’insulte de Toni envers Yasser produisant crescendo l’embrasement d’une nation au bord de l’explosion. Tous les ingrédients sont réunis pour faire de ce drame un film haletant notamment grâce aux séquences de procès montées avec brio en alternant les scènes de manifestations de rues et celles où les hordes d’avocats, journalistes et services de sécurité profitent de ces tensions pour alimenter leurs affaires.

Refusant de prendre position pour l’une ou l’autre des parties, Ziad Doueiri et son scénariste déterrent les causes originelles de ces tensions à travers un twist rondement mené qui prendra toute son ampleur lors d’une séquence de plaidoirie rappelant à quel point les torts sont partagés et s’enracinent bien avant cette fameuse insulte. Une œuvre à la portée universelle esquissant un appel à la réconciliation, prônant un devoir de mémoire tout en faisant table rase du passé. C’est difficile mais c’est aussi le seul moyen d’aller de l’avant.

Alexandre RomanazziEnvoyer un message au rédacteur

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