INDOMPTABLES
Un contre-emploi de Thomas Ngijol tant devant que derrière la caméra
Synopsis du film
Le commissaire Billong terrorise les criminels de Yaoundé qu’il traque sans pitié, tout comme les membres de sa famille, dont certains ont même fui le foyer. Lorsqu’il doit enquêter sur le meurtre d’un de ses subordonnés, toutes les tensions qui l’entourent s’en trouvent exacerbées, le conduisant dangereusement vers le point de rupture…

Critique du film INDOMPTABLES
Thomas Ngijol dévoile à la Quinzaine des cinéastes son quatrième long-métrage en tant que réalisateur, six ans après sa dernière réalisation "Black snake", qui n’avait pas eu une telle reconnaissance et c’est le moins que l’on puisse dire. Mais ce qui étonne ce n’est pas tant de voir l’humoriste passer à nouveau derrière la caméra après une si longue absence, que le choix de l’histoire portée à l’écran, qui s’avère très éloignée du ton léger et loufoque qui l’avait fait connaître du grand public. Et ce qui brouille d’autant plus les pistes c’est que l’histoire d’ "Indomptables" renvoie de manière troublante à un des sketches les plus connus du stand-uppeur intitulé « Les experts Yaoundé » dans lequel il s’amuse à transposer l’univers de la série policière "Les experts" dans la capitale du Cameroun.
Mais "Indomptables" tire davantage son inspiration du documentaire "Un crime à Abidjan", qui a connu une distribution très confidentielle depuis sa sortie en 1999. Thomas Ngijol se sert de cette histoire pour dresser le portrait d’un pays (non plus la Côte d’Ivoire mais le Cameroun) où tout n’est qu’une lutte incessante. Nous rions parfois du manque de moyens des services publics français, mais il faut voir les conditions dans lesquelles le commissaire Billong et son équipe sont contraints de travailler. Evidemment pas d’expert médico-légal, ni même de photos prises de la scène de crime, ce qui oblige à procéder à une reconstitution risible pour un public habitué aux films d’enquête.
Par conséquent, la police va user de moyens qui ne coûtent rien : la brutalité et l’intimidation. De là à donner l’aspect d’une police au-dessus des lois il n’y a qu’un pas, facilement franchi quand on considère les enjeux et l’implication émotionnelle des enquêteurs qui tentent de démasquer l’assassin de l’un des leurs. Conscient de devoir rendre la justice tout en maintenant l’ordre, le commissaire Billong est de plus en plus tiraillé entre l’obligation de résultat et le souci de conserver une police propre. Non seulement chez lui-même, mais surtout chez ses subordonnés dont il se considère comme le chef de famille. D’ailleurs ne cherchez pas de différence entre le commissaire de police et le père de famille, il n’y en a tout simplement aucune. À son fils, comme au criminel gardé à vue, il demande de lui serrer la main après l’avoir vertement réprimandé.
Sur tous les fronts, Thomas Ngijol réussit brillamment son "Tchao Pantin"», en incarnant lui-même son protagoniste. Il y’a quelque chose qui ne tourne pas rond chez cet homme de principe, à l’image de la société camerounaise dans son ensemble. Mais lequel est la conséquence de l’autre ? C’est un cercle vicieux dans lequel chacun s’alimente mutuellement. Et il faudra bien que ça s’arrête quelque part.
Benjamin BidoletEnvoyer un message au rédacteur