I AM GITMO

Un film de Philippe Diaz

Guantanamo, de l’intérieur

Gamel Sadek, père de famille afghan, est fait prisonnier par l’armée américaine au tout début de l’invasion du pays dans le cadre de la lutte contre Al Qaida. Soupçonné d’être un terroriste, il est emmené à la prison de Guantanamo où il est torturé pour lui soutirer des informations qu’il n’a pas…

Gitmo c’est Guantanamo en abrégé. Gitmo c’est tout ce qui reste pour les détenus de ce centre pénitentiaire tristement célèbre, où ils sont privés de tout, jusqu’à leur identité. Scander « je suis Gitmo » c’est à la fois une manière de continuer à résister et un moyen de revendiquer ce qu’on ne pourra jamais enlever à l’être humain. C’est-à-dire ce sentiment d’exister et de faire partie de quelque chose, même si ce quelque chose est le pire endroit au monde.

Philippe Diaz semble l’homme le plus indiqué pour raconter cette histoire inspirée de faits réels, lui qui a fait ses armes en réalisant des documentaires dénonçant notamment l’impérialisme américain et la fracture nord/sud. L’approche documentaire et sa caméra intrusive insufflent ce qu’il faut de force lyrique dans un film qui en a bien besoin. Car Philippe Diaz n’évite pas les écueils qui attendent les documentaristes s’essayant à la fiction. À savoir un scénario écrit à gros traits, une mise en scène souvent trop appuyée et une direction d’acteurs loin d’être irréprochable.

Si Gamel Sadek, l’innocent accusé à tort, apparaît bel et bien comme le héros de cette histoire, le spectateur partage ses souffrances et prend conscience de l’immensité de l’injustice qui pèse sur lui ainsi que de l’absurdité d’un système qui ne sait pas comment réagir à l’agression du 11 septembre. Le spectateur n’apprendra sans doute rien de nouveau, tant le nom de Guantanamo Bay nous est familier et que ce qui s’y passe n’est un secret pour personne. Mais il y a une grande différence entre voir et savoir.

On peut également saluer le fait que Philippe Diaz s’attarde longuement sur le personnage de John, l’interrogateur de Gamel, victime d’un conflit moral cornélien. Croyant fermement en Dieu et aux institutions américaines, il se montre d’abord réticent face aux méthodes employées à Guantanamo. Une réticence qui ne résiste guère à un ordre émanant directement du bureau ovale. Car à l’instar de Dieu, tout ce que décide le président des États-Unis doit être juste et bon. Un raisonnement simpliste dont il finira lui-même par douter, tout comme il doutera de la culpabilité de Gamel, tant les preuves qu’on lui apporte et sur lesquelles repose l’accusation sont risibles.

Benjamin BidoletEnvoyer un message au rédacteur

BANDE ANNONCE

Laisser un commentaire