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HYSTERIA

Quand le dialogue ou le débat deviennent impossibles

Elif est assistante réalisateur sur un film produit par Lilith et réalisé par Yigit, portant sur des violences contre des personnes issues de l’immigration ayant eu lieu il y’a une vingtaine d’années. Dans un grand studio, un immeuble a ainsi été reconstitué pour simuler l’incendie mortel qui a fait de nombreuses victimes, plongeant dans l’effroi toute l’Allemagne et certaines communautés. Employant des réfugiés pour jouer ceux qui fouillèrent les décombres, la production ne s’attendait pas à la réaction de celui qui les a conduit depuis leur centre d’accueil, Majid, dénonçant le fait qu’un exemplaire du Coran ait été brûlé dans la simulation. Rapidement l’affaire prend de l’ampleur…

"Hysteria" s’ouvre sur d’étranges images en noir et blanc, d’un incendie en train de prendre dans un appartement, la fumée envahissant peu à peu les différentes pièces. La couleur revient lorsque la caméra passe à l’extérieur, filmant l’ensemble de l’immeuble qui n’est en fait qu’un décor de cinéma. Les premières images étaient celles du combo, que regarde le metteur en scène, bientôt rejoint par son assistante, la jeune Elif, un carnet à la main. Mais les meubles et objets qui ont pris feu à l’intérieur sont biens réels, comme un exemplaire du Coran, que remarque un des réfugiés employés comme figurant « pour faire plus vrai », devant fouiller les lieux. Après les félicitations du metteur en scène pour les réactions du plus jeune (Said), vient ensuite le début du tourment, avec Majid, qui ne digère pas qu’on ai brûlé un véritable exemplaire du Coran et disparaît, obligeant Elif à conduite pour ramener les réfugiés au centre, avant de revenir à l’appartement du réalisateur où elle loge, pour déposer les bobines. Mais c’est aussi sans compter sur une perte des clés de l’appartement en question, qui va encore rajouter aux troubles.

Impact potentiel de la rumeur, injonctions au respect de la religion, suspicion envers les migrants, intérêt divergents sur une production, capacité de protection ou de surveillance, tension dans un couple, migrant qui était aussi réalisateur, peur des inconnus, privilège blanc, tout devient ici élément à semer la pagaille et surtout le doute dans l’esprit de la protagoniste, prise au piège de son propre mensonge consistant à tout faire pour cacher la perte de clés. Le scénario assez malin signé Mehmet Akif Büyükatalay ("Oray") se double d’une mise en scène qui ponctue l’histoire de quelques cauchemars et d’images marquantes (comme ces deux yeux derrière une porte qui s’entrouvre, filmés par la webcam d’un ordinateur devenu caméra de surveillance). La jeune Devrim Lingnau s’en sort bien dans un rôle peu aisé, de spectatrice des enjeux des autres (le sien étant finalement le plus simple et le moins politique), incapables de se comprendre puis au final de dialoguer. La conclusion enfonce le clou sur un constat d’un monde où polémique et mésentente règnent, et le discrédit tombe sur mêmes ceux qui veulent bien faire.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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